C'est devenu un classique au pèlerinage, à chaque fois que les hadjs s'arment de pierres pour lapider le diable, une partie d'entre eux meurt alors que le diable reste entier puisque l'année d'après il faut encore le lapider. Déjà en 1990, sur le même lieu de lapidation, 1425 pèlerins trouvaient la mort et cette année encore, le diable a fait 350 morts au dernier bilan sous les yeux de Dieu. On peut se poser des questions sur la représentation du fait que le diable est par définition partout et ne peut habiter aussi simplement des stèles le symbolisant pour recevoir cinq millions de pierres chaque année sur la figure sans vouloir se venger. De l'Adam d'abord, celui qui a pris sa place, et de Dieu ensuite, puisqu'il accomplit ses forfaits là où il devrait être le plus surveillé. On peut aussi se poser le problème de la diabolisation, du fait qu'il ne sert peut-être à rien de diaboliser un diable puisqu'il est déjà diabolique. Mais ce sont des traditions, tout comme celles qui font que les pèlerins meurent souvent là où ils rêvent de vivre. En dehors donc du lourd bilan, provisoire puisque des disparus n'ont pas été encore retrouvés (peut-on disparaître à La Mecque ?), il y a peut-être une forme de suicide collectif inconscient des pèlerins, étant entendu que le rêve caché d'un hadj, en général vieux et pieux, est de mourir pendant le pèlerinage pour accéder directement au Paradis. Dans tous les cas, le diable est vivant, tout autant que la profonde dualité du cosmos qui l'a fait naître. Dieu et le diable, le bien et le mal, l'ins et le djinn, Mobilis et Djezzy. Rien n'existe sans l'autre et si Mezrag, ancien diable mais libre, n'existait pas, Benchicou, nouveau diable mais enfermé, n'existerait peut-être pas. Dans l'autre sens, ça marche aussi, ce qui est bien la preuve de la dualité des époques et de la nécessité d'un diable pour chaque époque.