Tout le monde est d'accord qu'il faut un changement (pour les puristes et ou les réformes, pour les modérés) : un consensus national de tous les courants politiques confondus. Cependant, en quoi consistent ces réformes ? Réformer quoi exactement ! Des hommes, des institutions, l'opposition, les citoyens ! Ces réformes, à qui seront-elles adressées ? Au peuple, à l'étranger pour redorer l'image d'une classe politique au pouvoir ! Aux générations futures ! Tout est à imaginer, pourquoi pas ! Tous les citoyens algériens ne souhaitent pas revivre la décennie noire. L'entêtement des politiques et leur aveuglement nous mènent souvent au même point pour recommencer une autre fois. Le décalage et l'autisme abasourdissant de la classe dirigeante va buter contre un mur. Nulle réforme ou changement ne pourrait aboutir si nos politiques, y compris l'opposition, n'arrivent à avoir une vision claire de l'avenir du pays, en associant le peuple à choisir son destin. Nous sommes devant un silence sans précédent ; tout le monde attend quoi exactement ? Que sais-je ! Les réformes annoncées ne sont qu'une rhétorique démocratique pour rassurer les partenaires étrangers qui ne sont pas dupes, à lire les notes de wikileaks ! Quand ces politiques veulent annoncer des réformes, ils le font souvent dans les médias étrangers, ainsi ces réformes leurs seront destinées ! Comment voulez-vous croire à des réformes faites avec les mêmes hommes qui n'ont pas réussi à venir à bout de leurs projets ? Comment voulez-vous croire à l'honnêteté de ces réformes et de ces hommes qui portent ces projets ? On lit dans la presse nationale que la corruption est le moteur de ces réformes, sans aucune suite judiciaire (une impunité totale !). La grande partie de la population et de la classe politique ne croit pas à ces réformes conditionnées. L'état d'urgence est levé, mais qu'a-t-il apporté comme changement dans la vie politique en Algérie ? Ils annoncent l'ouverture des médias aux opposants ! Y a-t-il un grain de changement de l'unique (ENTV) et ses cinq clones ? Les réformes économiques, éducatives, judiciaires, institutionnelles, etc., verront-elles enfin le jour ? Une instabilité à tous les niveaux ! Le résultat de ce statu quo s'est traduit par le manque de visibilité économique, l'instabilité politique, la fuite des cadres de la nation et le recul des libertés publiques. «L'algériennité» est menacée dans ses fondements, nous assistons à une perdition de nos valeurs et de nos us et coutumes, sans bouger le petit doigt !
L'incertitude et l'anarchie se généralisent, la haine se creuse, la violence s'accentue, l'insécurité se ressent même chez soi. Ainsi, cette situation illustre aujourd'hui, comme l'a écrit le sociologue Lahouari Addi (1), la routine bureaucratique qui a pris le-dessus dans le pays (les pays arabes) et des dispositifs autoritaires qui empêchent le multipartisme de produire ses effets sur la vie institutionnelle. De plus, la fragilisation des institutions prive les citoyens, les opposants, les investisseurs, les associations, de leviers pour faire valoir leurs droits et résister à un régime opaque et clientéliste. L'expérience brésilienne ou indienne révèle que la volonté portée par des hommes politiques de construire un état de droit est possible. Nous devons prendre exemple de ces expériences. Ma conviction est que ni la «révolution», ni le désintéressement «savant» ne pourront sortir le pays de cette situation morose. L'homme politique algérien est corrompu, y compris ceux qui sont dans l'opposition. Cette corruption s'est normalisée dans la pratique au quotidien et elle est endogène à l'exercice politique. La solution est dans l'éthique politique, animée d'une volonté de la classe dirigeante, de faire appel à l'intelligence algérienne capable de relever le défi et de leur céder la place. Je rêve, peut-être ! 1- La revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, mars 2006