L'universitaire Abdelaziz Djerrad se pose une série de questions sur le processus de mise en œuvre des réformes politiques promises par le chef de l'Etat. Quels sont les objectifs des réformes ? Qui est derrière ces réformes ? Le pouvoir ou le fruit d'un compromis entre l'opposition et celui-ci ? Qui est l'exécutant ? En intervenant dimanche soir à la conférence-débat sur le thème des “réformes politiques”, organisée par le quotidien Algérie News, dans le cadre des soirées Mille et une news, le politologue et analyste politique, universitaire spécialiste en relations internationales, M. Abdelaziz Djerrad s'est livré beaucoup plus à un cours didactique sur les réformes qu'à un éclairage à la foule de questions que d'aucuns se posent. Visiblement prisonnier de son “statut”, mais sans doute de son passage à la présidence de la République où il a occupé le poste de secrétaire général, M. Djerrad s'est montré souvent très prudent dans ses réponses aux questions de l'assistance. Et rien de plus édifiant de cette circonspection que ces poncifs souvent ressassés : “Evitez les raccourcis” et “il faut définir les concepts”. Selon lui, pour comprendre le sens des réformes, il faut se poser un certain nombre de questions : comment ces réformes seront-elles appliquées ? Par des négociations ? Par consultations ? Par les textes ? Par référendum ? Et pour leur mise en œuvre, il faut fixer des “objectifs, de la volonté politique et un large consensus”, suggère-t-il. Autres questions soulevées : que visent ces réformes ? Sont-elles à court, à moyen ou à long terme ? Quelle est leur intensité ? Une réforme technique des institutions ou bien un changement structurel du système ? M. Djerrad ne se contente pas seulement de ces questionnements. “Veut-on aller vers la démocratie ? Est-ce qu'il y a une volonté politique ? Est-ce qu'il y a un consensus à l'intérieur du pouvoir et entre l'opposition et le pouvoir ? Quels sont les mécanismes mis en place pour les réformes ?” Seule appréhension de l'orateur : “La crainte qu'il y ait des réformes à caractère administratif.” “Ce sont des questions fondamentales que je me pose”, a-t-il dit. M. Djerrad n'a pas également omis d'évoquer le contexte dans lequel interviennent ces réformes promises par le président de la République le 15 avril dernier. “On ne peut pas échapper au contexte aujourd'hui. Il y a la dimension interne et la dimension externe”, selon lui. Et là aussi, il ne manque pas de s'interroger. “Est-ce que c'est le contexte régional qui a fait réagir les dirigeants ? Est-ce que ce sont les pays occidentaux ? Est-ce que ce n'est pas une lecture pragmatique de la situation géostratégique de la part de nos dirigeants ?” Pour M. Djerrad, les réformes doivent intervenir au bon moment. “Ni trop tôt ni trop tard. Le timing est important”, a-t-il estimé. Et leur réussite et leur crédibilité dépendent, insiste-t-il encore, du facteur humain. “Crédibilité de l'initiateur, adhésion la plus large possible de la population, participation de l'élite, des jeunes et des étudiants.” Autre facteur déterminant : “La dimension historique des réformes.” “Si on ne l'intègre pas, c'est faire des réformettes et rester en marge de l'histoire.” Cependant, pour ce spécialiste des relations internationales, la décision a priori des dirigeants algériens d'aller aux réformes résulte de la situation dans le monde arabe. “Je pense que ce qui s'est passé dans le monde arabe a précipité la volonté chez les dirigeants d'aller vers des réformes. On a l'impression qu'il y a une course (…). Le contexte extérieur a influé. Mais les pressions internes sont vraiment timides”, a-t-il estimé. Mais aux nombreuses questions posées par l'assistance, comme le départ du système, la nature du régime, la Constituante, la crédibilité des initiateurs des réformes, le mode choisi ou encore le rôle du DRS, M. Djerrad a préféré s'abriter derrière son statut “d'analyste” seulement à telle enseigne qu'un étudiant n'a pas manqué de suggérer qu'“on a peur de définir les choses”. “Je n'ai peur que de Dieu”, a répliqué Djerrad, avant de conclure : “L'Algérie appartient à tout le monde ; elle est aujourd'hui au carrefour (…). Je peux comprendre l'attitude de certains réformateurs. Nous sommes sur un terrain glissant, faisons attention !”