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Démonstration de force
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Publié dans El Watan le 16 - 10 - 2011

Des milliers d'islamistes sont descendus dans la rue, vendredi dernier, dans plusieurs villes de Tunisie. Du jamais vu pour beaucoup de Tunisiens, à quelques jours à peine de l'élection de la nouvelle Assemblée constituante ! La raison de la colère de ces intégristes : la diffusion par la chaîne de télévision privée d'un film d'animation qui n'aurait pas été du goût des barbus et autres intolérants de tous poils. Dans la capitale, quelques excités ont même essayé d'incendier le domicile du propriétaire de la chaîne en question, qui a pourtant présenté ses excuses aux Tunisiens devant la réaction disproportionnée des «salafistes». Mais rien n'a apparemment suffi pour apaiser les esprits, surchauffés par des prêches incendiaires durant la prière du vendredi.
Alors, est-elle vraiment inattendue, cette sortie des islamistes tunisiens ? Il y a quelques semaines à peine, un cinéma où était projeté un film sur la laïcité a été attaqué et incendié dans la capitale tunisienne. Pour certains observateurs, c'était là un signe avant-coureur de la difficulté à gérer la donne islamiste qui attend la Tunisie au cours de cette période de construction démocratique jusqu'aux élections de la Constituante et des instances de la République. Et ce, d'autant que les islamistes, sévèrement réprimés par des décennies de dictature, ont pratiquement été contraints de «prendre le train en marche» après le déclenchement de la Révolution du jasmin et le départ précipité de Ben Ali pour l'Arabie Saoudite. L'émergence tardive du mouvement Ennahda sur la scène politique tunisienne, avec le retour de son chef de son exil anglais, explique sans doute cette démonstration de force des barbus et des niqab dans la rue et la volonté de peser plus sur le futur échiquier politique que les 25% que lui accordent actuellement les analystes en Tunisie et ailleurs. Certains d'entre eux n'ont pas manqué de souligner la singularité de la société tunisienne, profondément marquée par les efforts de laïcité de la période de Bourguiba qui a suivi l'indépendance du pays. Et de faire remarquer, y compris dans la société civile, que la Tunisie n'est pas l'Algérie d'après les évènements d'Octobre 1988. Pour beaucoup, le rapprochement était et est à faire plutôt avec la Turquie laïque, qui se permet aujourd'hui d'avoir des islamistes au pouvoir.
En tout état de cause, la proximité avec la Tunisie permet de tenter le parallélisme entre les événements de vendredi dernier et une certaine démonstration de force des intégristes algériens du début des années 1990, quand il s'agissait d'empêcher la tenue d'un concert à la salle Atlas, à Alger. En Tunisie aussi, la diffusion du film Persépolis, objet de la colère des barbus, a été l'occasion d'une ingérence de l'ambassade d'Iran qui serait intervenue auprès des autorités pour demander son interdiction.
Mais là n'est pas le plus inquiétant, outre la sous-estimation réelle du danger que représente la donne islamiste pour la démocratie. Par contre, l'arrestation de groupes armés et la saisie d'armes de guerre en provenance de Libye font craindre le pire à la veille des élections. En tout état de cause, on ne peut qu'être d'accord avec le propriétaire de la chaîne de télévision pour dire qu'avec ce qui s'est passé en Tunisie vendredi dernier, c'est la liberté d'expression qui a pris un coup. Sa préservation, comme celle de toutes les libertés individuelles et collectives, devrait être le souci permanent des nouvelles autorités tunisiennes.


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