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«Zones industrielles en Algérie, une promiscuité dangereuse»
Dr Cherid-Tiliouine Samia. Expert environnementaliste
Publié dans El Watan le 17 - 10 - 2011

Dr Cherid Tilioune Samia est expert environnementaliste, consultante dans les questions liées à la gestion de l'eau, des déchets et des produits hydrocarbures. Elle est enseignante à l'Institut national de pétrole (IAP de Boumerdès). Dans cette interview, elle revient sur la question de la problématique de gestion des zones industrielles en Algérie.
-Qu'en est-il de la gestion des zones industrielles en Algérie ?
A vrai dire, les zones industrielles ne sont pas bien gérées, tant qu'il n'y a pas une démarche de gestion des risques globale au niveau de chaque zone. Cela consiste à bien identifier les activités et les inhérents risques à mettre en œuvre des actions de prévention et de protection avec des priorisations, à partager les informations, qu'il y ait aussi de la transparence dans tout ce qui concerne l'entreprise. D'abord, les zones industrielles ne sont pas bien localisées. Beaucoup sont sur ou proches des zones agricoles à haut rendement. C'est le cas de Sétif, Bordj Bou Arréridj, Oum El Bouaghi, Rouiba, Réghaïa, la Mitidja.
D'autres sont carrément positionnées au-dessus des nappes phréatiques, cas flagrant de la plaine de la Mitidja. Nous notons aussi des ZI qui sont très proches des zones urbaines, mais parfois c'est l'extension des zones urbaines qui sont allées jusqu'aux contours de servitudes des zones industrielles comme c'est le cas de Rouiba et de Sidi Rzine. Il y a aussi des risques imminents de pollution des sols par les hydrocarbures, nous citons le cas de la raffinerie d'Alger, par les métaux lourds, celui de Sétif (fabrication des batteries, les dépôts et stockage des huiles usagées, dépôts et stockage des huiles askarels…). Le cas de pollution des oueds et du littoral où les mis à l'index sont les ZI d'Arzew, de Annaba et de Skikda. Aussi un autre point, il s'agit du stockage de produits périmés qui, pour certains cas, datent des années 1970 et 1980.
-Quelles sont les contraintes et les difficultés qui empêchent l'Algérie de s'aligner sur les standards internationaux en matière de gestion des zones industrielles et de sécurité industrielle ?
La réglementation en vigueur, qui concerne la protection de l'environnement, l'aménagement du territoire, la sécurité des installations, les risques professionnels, n'a pas été prise en considération. Il fallait un accident, une explosion dont les impacts économiques ont été considérables en sus des impacts environnementaux pour une prise de conscience.
Je fais ainsi allusion à l'explosion survenue le 19 janvier 2004 au complexe pétrochimique GNL1K, dans la zone industrielle de Skikda et qui a coûté la vie à une trentaine de personnes, causant 75 blessés et menaçant sérieusement l'environnement et la santé des populations sur un rayon à plus de 4 km du complexe !
Ceci dit, je pense qu'il faut définir et faire la part des choses entre sécurité industrielle et risques industriels ou risques technologiques qui font partie des risques majeurs. Maintenant, pour ce qui est des contraintes et des difficultés, nous dirons tout d'abord que l'Algérie dispose de tous les atouts qui lui permettent de s'aligner aux standards internationaux à condition qu'elle développe et met en pratique le principe de la prévention des risques pour maintenir la vigilance des acteurs. Certes, nous sommes, l'un des pays les plus dotés en matière de réglementation qu'il faut, cependant compléter et développer par une règlementation propre à notre industrie et à notre environnement.
Par exemple, la règlementation relative aux installations classées est une règlementation qui permet de déterminer l'ensemble des installations qui présentent des dangers pour l'environnement, mais elle reste vague. Si l'on a un bon socle en matière de législation environnementale, elle reste quand même insuffisante. Il faudra l'adapter, l'affiner et mettre en place des décrets d'application. Mais le plus important, c'est la mise en place de structures de contrôle et de suivi et des compétences, sinon, pourquoi une législation ! S'il faut situer le hic, nous disons que c'est l'application, le suivi, le contrôle et la mise en œuvre des textes réglementaires, qui ont toujours posé problème. Il s'agit donc d'appliquer les pratiques managériales à tous les niveaux, que ce soit au niveau management, qu'au niveau agents de maîtrise, de respecter la règlementation, les technologies et les processus industriels, de former, d'informer, ainsi que d'inculquer la notion de responsabilité et la notion de la prévention des risques et de la précaution.
Ceci dit, ces principes ne doivent pas concerner que les exploitants, mais aussi les salariés, les élus, les associations, les riverains… pour les faire partager et participer au processus de la culture des risques. D'un autre côté, faut-il rappeler, les statistiques, sous d'autres cieux, ont toujours constitué les vrais leviers de prise de décision, une action d'envergure qui reste cependant ignorée en Algérie. En revanche, la vraie problématique est comment consolider, partager et échanger des informations entre les différents acteurs sur les incidents et accidents afin de pouvoir analyser et exploiter ces situations et en tirer des enseignements qui nous permettent de favoriser une meilleure compréhension des situations afin de prévenir les risques potentiels.
-Sur le plan purement financier, combien coûtent au Trésor public les accidents de travail ?
J'ai parlé plus haut de transparence, franchement je ne le sais pas, mais je peux affirmer que la politique de prévention des risques industriels majeurs a permis de cibler plus de 52 établissements industriels à haut risque sur les populations riveraines et sur l'environnement. L'étude a concerné les wilayas d'Alger, d'Oran, de Bejaïa, d'Aïn Defla, de Blida, de Annaba, de Chlef et de Jijel (données : 2007). En 2002, les coûts des dommages et inefficiences représentaient 7% du PIB, soit 3,5 milliards de dollars US. En 2007, ces coûts ont diminué et ne représentent plus que 5,21% du PIB, soit 2,6 milliards de dollars US (source Atlas économique de l'Algérie 2007). Il faut maintenant réactualiser les données. Certes, il y a eu diminution, mais le nombre d'accidents reste toujours élevé.


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