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«La Tunisie est très jolie sans Ben Ali»
Rached Ghannouchi, Leader d'Ennahda
Publié dans El Watan le 22 - 10 - 2011

-La campagne électorale a dû vous guider vers les différentes régions du pays. Comment avez-vous trouvé la société tunisienne après un long exil de nombreuses années ?
La Tunisie est très jolie sans Ben Ali.
-Quel est le projet de société que vous prônez ?
Militant depuis 1981, je m'emploie à l'instauration d'un régime démocratique en Tunisie et à la mise en place d'un modèle économique susceptible de réaliser une justice sociale et le développement des régions.
-La caractère islamique de votre parti fait pourtant peur à certaines catégories de la société qui ne se reconnaissent pas dans votre projet ?
Nous partageons notre vision de la société avec la plupart des autres courants politiques. Néanmoins, la différence réside dans les références et l'essence même des valeurs de chacun. Nous nous appuyons sur des valeurs islamiques qui vont nous permettre de nous propulser vers la liberté, la justice et le développement.Nous croyons que l'Islam constitue de plus en plus une référence et un vecteur qui guide les musulmans au travail, au développement, à la liberté et à l'unité. Alors l'Islam pour nous reste une source et une nourriture qui mène les musulmans vers les valeurs suprêmes.
-Concrètement, une fois que vous êtes à l'Assemblée constituante, quelles sont les lois que vous allez voter ?
L'une de nos plus grandes revendications consiste en l'instauration d'un régime parlementaire contrairement au régime présidentiel et au pouvoir personnel qui a dominé la Tunisie depuis l'indépendance. Cela a été la cause de toutes les catastrophes qui se sont soldées par la révolution. La révolution est venue à cause du régime du pouvoir personnel qui s'est transformé en un régime maffieux. Nous, nous voulons couper ce régime à la racine en mettant en place un régime parlementaire qui permet au peuple d'être souverain, au pouvoir présidentiel d'incarner le symbole de l'Etat et qui rend le gouvernement responsable non pas devant le président de la République, mais devant les représentants du peuple.
-Il y a deux jours, une grande manifestation a eu lieu à Tunis, qui a drainé des milliers de personnes, brandissant des banderoles revendiquant notamment la séparation du religieux du politique. Qu'en pensez-vous ?
C'est une catégorie minoritaire, qui a réagi aux manifestations de colère qui a rassemblé des centaines de milliers de personnes contestant le travail tragi-cinématographique qui est intervenu au mauvais moment. La diffusion de ce film à ce moment précis est une provocation.Il est clair que la diffusion de ce film à une semaine des élections vise à créer des perturbations dans le pays et à provoquer les islamistes et susciter des réactions de violence. Nous sommes contre la violence ; nous sommes pour la liberté d'expression, mais dans le cadre du respect des convictions ; nous sommes pour la liberté quelles que soient les convictions, qu'elles soient religieuses ou laïques. Pour que nous vivions en paix dans notre société, il faut qu'il y ait respect mutuel des convictions de chacun. La liberté d'expression ne doit pas se moquer des convictions des autres.
Certaines parties ne cachent pas leur crainte de voir Ennahda au pouvoir remettre en cause certains acquis de la société tunisienne, à savoir le code du statut personnel qui garantit à la femme tunisienne une place enviable par nombre de femmes des autres pays arabes et musulmans.Ils pratiquent une compétition politique illégitime. Parce qu'ils sont en train de faire peur aux gens. Leur principal business, c'est de répandre la rumeur qu'Ennahda fait peur. Ce business a fait faillite. Le régime de Ben Ali a travaillé sur la peur d'Ennahda depuis 20 ans. La peur influe sur le peuple tunisien.
Malgré tout cela, Ennahda aujourd'hui est le premier parti. En dépit donc de toute la peur de l'Islam et des islamistes suscitée par le régime de Ben Ali chez les femmes pour le tourisme ou pour les gens de culture. Nous sommes le premier parti, et quand nous avons atterri à l'aéroport 20 ans après, ils étaient des dizaines de milliers de gens à venir nous accueillir. Normalement, ils doivent comprendre que ce business donc doit s'adresser aux esprits des gens et non à leurs sentiments. Ennahda en effet s'est exprimé en 1988 pour dire qu'il respecte le code du statut personnel. Dans notre programme, nous n'avons pas touché à cette loi. A-t-on besoin de répéter cela un million de fois et pour combien de fois faut-il le faire encore pour que ces gens-là soient convaincus et cessent le business de la peur...
-Quels sont vos rapports avec l'Algérie ?
Nous envisageons des relations stratégiques avec l'Algérie en vue d'établir des accords de haut niveau à l'effet de faire du Maghreb arabe un seul pays. Il n'y a rien qui nous sépare.
-La déclaration du Premier ministre Béji Caid Essebsi au New York Times, à l'issue d'un voyage aux Etats-Unis, sur son éventuel retour aux affaires après l'élection de l'Assemblée constituante semble choquer. Quel est votre commentaire ?
C'est son droit de prévoir de rester aux affaires malgré son âge avancé. Mais la décision appartient à l'Assemblée constituante. Ecoutez-moi, je suis pour le renouveau.
-Quel est votre candidat à la présidence de la République après l'élection de l'Assemblée constituante ?
Personnellement, je ne suis candidat à aucun poste politique.


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