Mis dans une situation embarrassante, Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l'UGTA, a évité, hier, le siège de la centrale syndicale, où il devait rencontrer la coordination de dix ports du pays. Tôt dans la matinée, Sidi Saïd a appelé les syndicalistes, regroupés au foyer des dockers, à le rejoindre à l'Institut de la formation syndicale, situé à El Achour, à Alger. Dans le hall de la Maison du peuple du 1er Mai, de nombreux syndicalistes faisant partie de la coordination des syndicats des entreprises portuaires, venus demander des explications à propos de la suspension de Ahmed Badaoui, secrétaire général du Syndicat des douanes (SND) par le secrétariat national, l'ont attendu de pied ferme pendant près d'une heure avant de se décider à se diriger vers El Achour. Ici, la réunion qui s'est déroulée en présence de trois secrétaires nationaux, MM. Malki, Badreddine et Abdelali, a été houleuse tant la colère des représentants des travailleurs était à son comble. Les motifs ne sont pas des moindres. D'abord la privatisation des entreprises portuaires, puis la suspension par le secrétariat national de Ahmed Badaoui, SG du SND et membre de la commission exécutive nationale (CEN). M. Driss, secrétaire général de la coordination des ports, a fait part des préoccupations des travailleurs portuaires, notamment en ce qui concerne la cession des trois ports pétroliers Ghazaouet, Arzew et Skikda, au profit de Sonatrach, dans le cadre de la politique de privatisation engagée par le gouvernement. « Nous avons fait état de notre colère quant à cette décision de création des sociétés portuaires des hydrocarbures (SPH) prise sans consultation du partenaire social. Ce qui est contraire à la résolution du conseil de la privatisation (CPE). Nous voulons que les articles 5 et 7 de la convention de privatisation soient revus parce qu'ils banalisent totalement les prérogatives des entreprises portuaires (...) », a déclaré le syndicaliste, avant de faire part de la volonté de la coordination d'aller vers un mouvement de grève. Une action que Sidi Saïd a rejetée catégoriquement. Après quatre heures de débat, le secrétaire général de l'UGTA a réussi à faire reculer les syndicalistes en leur promettant, comme d'habitude, de régler le problème, d'autant que lui aussi, a-t-il expliqué, n'a pas été mis au courant de cette privatisation. Il a demandé à la coordination de préparer un dossier complet sur le sujet et de le remettre aujourd'hui à M. Badreddine, secrétaire national, pour être discuté dans les jours qui viennent avec le chef du gouvernement. Sceptiques, les membres de la coordination ont, néanmoins, accepté l'offre de Sidi Saïd, tout en lui exprimant leur solidarité avec Ahmed Badaoui, dont le cas a été également longuement discuté par les syndicalistes de la SNVI, de la métallurgie, des banques, de la Cnan, du transport maritime et des dockers. Abdelmadjid Sidi Saïd a « assumé pleinement » cette décision, après s'être engagé publiquement, il y a un mois, à résoudre le problème de la suspension du syndicaliste par l'administration douanière. Il a reconnu indirectement que cette mesure est liée directement aux activités de M. Badaoui au sein de la coordination, en avouant avoir demandé au syndicaliste de se retirer de cette structure à plusieurs reprises, « en vain ». Cela prouverait que la suspension de Ahmed Badaoui ne repose sur aucun grief qui relève du règlement intérieur de l'organisation. Sa suspension par le secrétariat national de l'UGTA, dont le mandat a pris fin le mois d'octobre dernier, obéirait, selon beaucoup de syndicalistes, à des considérations purement politiques et entrerait dans la politique de l'étouffement de toute contestation sociale, dont l'avant-goût a été donné par les pouvoirs publics à travers l'interdiction de la grève de la coordination des syndicats de l'éducation. M. Sidi Saïd a néanmoins déclaré que le cas Badaoui sera déféré devant la commission de discipline, puis la CEN. Mais entre temps, l'administration douanière aura définitivement clos le dossier de M. Badaoui, puisque la commission paritaire statuera sur son cas le 24 janvier. Par ailleurs, l'attitude de l'UGTA consistant à refuser systématiquement toute contestation publique aux représentants des travailleurs dans le but de ne pas gêner les pouvoirs publics dans leur politique de privatisation, la trêve sociale décidée unilatéralement par Sidi Saïd pour geler toutes les actions revendicatives (prétextant la maladie du Président et son absence du pays) et la campagne menée par des membres de la Fédération nationale des travailleurs de l'éducation (FNTE) contre la grève de la coordination des syndicats de l'éducation a provoqué la colère des syndicalistes au point où beaucoup parlent déjà d'une « rupture » avec l'organisation pour « aller vers la création d'un nouveau syndicat qui prendra en charge sérieusement leurs revendications socioprofessionnelles ».