Pendant que le marché noir de la devise prospère au vu et au su de tous, les bureaux de change officiels censés remplacer ce cadre informel n'ont toujours pas vu le jour. Pourtant, le cadre légal prévoyant leur création existe depuis 1997 à travers l'instruction n°08-96 du 18 décembre 1996 qui fixe les conditions de création et d'agrément des bureaux de change. Nous avons tenté de joindre la Banque d'Algérie (BA) pour connaître les raisons qui font qu'aucun agrément n'a été délivré jusqu'à présent, en vain, car aux dernières nouvelles, la BA n'a reçu aucune demande pour l'ouverture de ces bureaux. La question suscite tellement d'interrogations que le gouverneur de la BA a été interpellé par les députés lors de son passage au mois d'octobre devant l'Assemblée populaire nationale. Les parlementaires dénonçant le préjudice porté à l'économie nationale et des pratiques de l'informel qui sapent l'autorité de l'Etat. Tentant une explication, le ministre des Finances, Karim Djoudi, a indiqué dans l'une de ses sorties médiatiques que s'il n'y a pas encore de bureaux, «c'est parce que les gens ne veulent pas investir dans ce créneau», mettant en cause «la fourchette entre le coût acheteur et le coût vendeur». Le taux de rentabilité de 1% par rapport au cours officiel qui doit être pratiqué par les bureaux de change paraît en effet dérisoire quand on sait que sur le marché parallèle, la différence atteint jusqu'à 40%. En réalité, selon certains experts financiers, situer la problématique à ce niveau est un «non-sens» tant que la Banque d'Algérie détient le monopole de la parité de change officiel. La question est donc celle de la convertibilité totale du dinar. Pour l'heure, cette convertibilité n'est que commerciale et les transferts courants limités au tourisme, aux soins à l'étranger et aux bourses d'études. Dans ce cas, pourquoi agréer des bureaux de change s'ils ne pourront pas vendre librement des devises, car comme le précise l'instruction de 1996, les opérations seront limitées à «l'achat et vente contre monnaie nationale». Or, la question de la convertibilité totale du dinar n'est pas d'actualité, les autorités craignant que cela entraîne un transfert massif de capitaux vers l'étranger. Par ailleurs, L'économie algérienne n'étant pas diversifiée et les hydrocarbures sont notre seule source de devise, «la Banque d'Algérie ne veut pas se voir obligée d'approvisionner ces bureaux en devises à partir de nos réserves de change quelle que soit la conjoncture», nous dit un spécialiste de la finance. Vu le caractère rentier de l'économie algérienne, la non-convertibilité totale du dinar semble justifiée aux yeux de cet expert, car «tant que les gens n'auront pas confiance en la monnaie nationale, celui qui aura un peu d'argent ira l'échanger contre des devises», quand l'occasion lui sera donnée. Pourtant, ce n'est pas l'avis de tout le monde. Ali Benouari, ancien ministre du Trésor, a déclaré dans une précédente interview à El Watan Economie que «les montants convertis ne donnent pas lieu forcément au transfert et peuvent être déposés en devises auprès des banques algériennes» qui ouvrent, «depuis près de 25 ans, des comptes devises aux particuliers». Il s'agit «d'une épargne stable» qui indique «mieux que n'importe quel discours, pourquoi il ne faut pas craindre la convertibilité du dinar». Pour l'instant, le montant des transferts illégaux à l'étranger (1,7 milliard de dollar par an entre 2000 et 2008 selon le derbier rapport de l'organisme américain Global Financial Intergrity (GFI) publié en début d'année 2001) ainsi que la part de la sphère informelle dans l'économie (estimée à 40%) donnent raison aussi bien aux opposants qu'aux défenseurs de la convertibilité totale du dinar.