Le risque que représente la prolifération des armes libyennes au Maghreb et au Sahel est loin d'être une simple vue de l'esprit. Non seulement le régime d'El Gueddafi avait beaucoup d'armes, mais celles-ci ont été majoritairement pillées ces derniers mois. Et aujourd'hui, la crainte est grande de voir ce matériel de guerre finir entre les mains de trafiquants d'armes ou de terroristes. Ce constat est celui fait, lundi soir, devant les membres du Conseil de sécurité, par Ian Martin, le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour la Libye. Il a insisté particulièrement sur le fait que «l'arsenal de systèmes de missiles anti-aériens portables dont dispose la Libye, le plus important au monde en dehors des pays qui les fabriquent, a été largement volé, comme par ailleurs les stocks de munitions et de mines en tout genre». Devant une situation aussi alarmante, le Conseil de sécurité de l'ONU s'est vu contraint d'adopter une résolution appelant le nouveau régime libyen à «prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher la prolifération des armes dans le pays et la région du Sahel en particulier». Si le Conseil de sécurité a sans doute raison de tirer la sonnette d'alarme, il reste que sa résolution manque de réalisme eu égard au fait que le Conseil national de transition (CNT), outre le fait d'être loin d'avoir la maîtrise de tout le territoire libyen, n'a pas les moyens de récupérer les armes pillées. Eviter qu'elles ne tombent entre de mauvaises mains Et ainsi qu'il fallait s'y attendre, il incombera en premier aux pays frontaliers de la Libye – comme l'Algérie, l'Egypte ou le Niger – la responsabilité de retrouver très vite cet arsenal afin d'éviter une éventuelle «somalisation» de la région. Les experts mettent ainsi clairement en garde contre «le risque de déstabilisation», en rappelant à cet égard le rapport du secrétaire général de l'ONU sur les activités de la représentation des Nations unies pour l'Afrique occidentale, qui avait appelé à une coopération renforcée dans la région du Sahel. C'est, en tout cas, ce que semble dire le Conseil de sécurité dans sa résolution lorsqu'il a expressément encouragé les Etats de la région à envisager «les moyens appropriés pour empêcher la prolifération dans la région de tous types d'armes et de matériel connexe, en particulier des missiles sol-air portables». Lorsqu'on sait qu'un missile sol-air est capable aisément d'abattre un avion de ligne en plein vol, on imagine que les voisins de la Libye ne se feront pas prier pour mobiliser des moyens humains et financiers pour tenter d'écarter au plus vite la menace. Seule consolation pour le moment : le gaz moutarde amassé par l'ancien dictateur libyen (11,25 tonnes) a été surveillé pendant toute la guerre en Libye par une cellule spéciale qui, dit-on, «a œuvré dans l'ombre». Il est aujourd'hui «neutralisé». La cellule était dirigée par le général Abdel Fatah Younès, chef d'état-major de la rébellion et ex-ministre de l'Intérieur du régime El Gueddafi, assassiné le 28 juillet dans des circonstances mystérieuses.