«Je suis enfin libre !», s'est exclamé Azzeddine Toudji en apprenant la nouvelle. Ses 25 confrères, dont 17 Algériens, de l'équipage du MV Blida, retenus en otages par des pirates somaliens depuis dix mois ont été libérés hier matin. Pourtant M. Toudji a été le premier, avec un collègue ukrainien, à être relâché, le 18 octobre dernier, pour des raisons humanitaires. Mais «ce n'est que maintenant qu'il retrouve réellement sa liberté», nous a déclaré hier son frère, joint par téléphone. Pris en otages par des pirates somaliens le 1er janvier 2011, alors qu'ils traversaient une zone réputée dangereuse, en tentant d'atteindre le port kényan de Mombasa, les 25 marins de l'équipage du navire MV Blida ont été libérés hier, trois jours avant la célébration de la fête de l'Aïd El Adha, a annoncé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani, dans un communiqué. «C'est avec une grande joie et un profond soulagement que nous annonçons la libération, ce matin, des 25 marins de l'équipage du navire MV Blida.» Et d'ajouter : «Cette joie est partagée, j'en suis convaincu, par tous les Algériens, car cela fait 10 longs mois que nous attendons cet heureux dénouement.» «Longues souffrances» M. Belani n'a pas manqué d'avoir une pensée pour les familles des otages. «Aujourd'hui et particulièrement en cette veille de la célébration de l'Aïd Al Adha El Moubarek, j'ai une pensée émue pour les membres de leurs familles et leurs proches qui ont enduré de longues souffrances, même si nous avons tout fait pour les rassurer et les persuader de l'entière mobilisation de l'Etat algérien afin d'obtenir la libération de nos ressortissants», a-t-il ajouté. Vers Mombassa Les familles des otages, qui s'étaient mobilisées pour la libération de leurs proches, ont accueilli la nouvelle avec une immense joie et une vive émotion et un grand soulagement. C'est en répondant à un appel de la part d'un journaliste que Faouzi Aït Ramdane, dont le père, Mohamed Aït Ramdane, 55 ans, mécanicien du navire, a appris la nouvelle. «Vous me l'annoncez, c'est formidable et merci pour tout», s'est-il exclamé, en éclatant en sanglots. Jointe par téléphone, Lila Kahli, la sœur d'Ismaël Kahli, l'aîné des otages, qui a fêté ses 60 ans sur le navire, n'a pas caché sa joie. «Nous sommes très contents. Je salue M. Mansouri, le DG d'IBC (l'armateur du navire) et le remercie de nous avoir soutenus et reçus à chaque fois qu'on le réclamait. Il nous a aidés moralement et matériellement», nous a-t-elle déclaré. Encore sans nouvelles concrètes de leurs proches, les familles des victimes savent pour autant qu'ils sont sains et saufs. «D'ailleurs, ce sont eux qui mettent en marche le navire», selon Mme Kahli. Le bateau, qui se dirige actuellement vers la haute mer, est sécurisé par les forces navales internationales qui opèrent dans la région sous mandat des Nations unies. Il mettra environ trois jours pour rejoindre le port de Mombasa, voire cinq à six jours, selon M. Mansouri. Pas de rançon payée Depuis la prise d'otages en janvier dernier, les rumeurs concernant une éventuelle demande de rançon formulée par les pirates n'ont de cesse été démenties par les autorités. Selon SomaliaReport, les pirates somaliens auraient finalement accepté une rançon de 3,5 millions de dollars, payée par l'affréteur jordanien du navire, principal interlocuteur des pirates lors des négociations, une somme bien inférieure à celle annoncée en août dernier, on parlait alors de 7 millions de dollars. Une information de nouveau démentie à la fois par le ministère des Affaires étrangères et par l'armateur. «L'Algérie a une position doctrinale immuable et connue, y compris au sein du système des Nations unies. Cette position constante nous l'avons réaffirmée à de nombreuses reprises : l'Algérie ne verse pas de rançon et elle condamne fermement cette pratique, qu'elle soit le fait des Etats ou d'organismes parapublics ou privés», a démenti le porte-parole des AE. Et d'insister : «Après l'adoption de la résolution 1904 du Conseil de sécurité, nous poursuivons nos efforts avec certains de nos partenaires pour criminaliser effectivement le paiement des rançons qui constitue une des sources principales du financement du terrorisme et du crime organisé.» Bien qu'il n'ait pas été mis au courant du contenu des négociations entre l'affréteur jordanien et les pirates somaliens, Nacereddine Mansouri, directeur général d'International Bulk Carriers, armateur du navire MV Blida, affirme quant à lui qu'«il n'a jamais été question de payer une quelconque rançon pour la libération des otages. Et d'ajouter : «La position de l'Algérie à ce propos est ferme et sans équivoque et nous l'appliquons.» M. Mansouri nous a également déclaré que l'armateur du MV Blida travaillait en collaboration avec l'Etat pour assurer le rapatriement rapide des ex-otages algériens après leur amerrissage au Kenya. Bien que l'état de santé des otages «n'inspire pas d'inquiétude», il leur sera difficile de reprendre la forme après cette expérience. Selon le frère du seul otage libéré et rapatrié jusque-là, M. Toudji «a été traumatisé. Il lui arrive de penser qu'il est encore dans le bateau, mais l'annonce de la libération de ses collègues a suscité chez lui une deuxième libération, psychologique cette fois-ci».