La voix qui parlait de l'Algérie sur les ondes de Radio France internationale (RFI) s'est éteinte, mais ses échos résonnent encore dans le ciel brumeux d'Alger. Le journaliste Ali Boudoukha est décédé hier à l'âge de 60 ans dans un hôpital parisien. Il luttait en résistant qu'il était dans son ultime combat contre la maladie. Son ami de toujours, Saïd Jaffer, avait écrit pour annoncer sa rechute : «Trois lettres : BAB, comme Boudoukha Ali Bey. Notre ami, notre frère, qui livre, actuellement, en résistant, un grand combat contre la maladie. Avec le même courage qu'il a mis dans son travail, au journal la Nation et ailleurs, à défendre des valeurs de liberté, de démocratie et de paix.» Ses amis, la presse algérienne et tous ceux qui l'ont côtoyé et aimé sont endeuillés par cette tragique disparition. Durant quarante ans de vie de journaliste, il s'est illustré par sa rigueur professionnelle et son indépendance d'esprit. Remarquable voix radiophonique (Chaîne III), homme de conviction et résolument engagé en faveur du combat pour la liberté d'expression et de la démocratie, il s'est lancé avec ferveur dans une nouvelle aventure à l'heure où l'Algérie négociait un virage politique (dangereux) au lendemain des événements d'octobre 1988. Notre confrère a marqué de son empreinte le combat des journalistes à cette période, notamment au sein du Mouvement des journalistes algériens (MJA). Le journaliste Ali Bahmane se souvient de ce journaliste «très actif qui avait joué un rôle-clé. Il était d'une éloquence remarquable. On adorait ses interventions au sein du MJA. Il se distinguait par la justesse de ses idées et la clarté de sa vision pour une nouvelle Algérie qui se dessinait à l'époque. Il a poursuivi ce combat à l'hebdomadaire la Nation». C'est au sein de ce journal que Boudoukha avait assuré la rédaction en chef dans les pires moments qu'a connus le pays. En 1998, il était parmi l'équipe qui avait relancé Libre Algérie, l'organe central du FFS, il a intégré RFI depuis 1994 comme correspondant à Alger, tendait son microphone aux gens de l'Algérie d'en bas. Il était leur porte-voix. A l'agence de presse Interface Médias et à son journal en ligne www.maghrebemergent.info qu'il a cofondé, Boudoukha «laisse une balise monumentale. Celle d'un homme rigoureux qui ne transigeait pas avec les dominants. Un journaliste qui a intensément vécu de son libre talent», écrit le journal qui lui rend un hommage. Ali Boudoukha n'était pas seulement le témoin de cette Algérie tourmentée, mais également un acteur, un vrai.