Les deux conférences que vont animer les professeurs Pierrette et Gilbert Meynier à la bibliothèque centrale (ex-ITA) portent sur le poids du passé sur l'Algérie d'aujourd'hui. Au menu des étudiants en master de français, deux conférences que vont animer les professeurs Pierrette et Gilbert Meynier. À travers son intervention, prévue ce matin à partir de 9 heures à la bibliothèque centrale (ex-ITA), le professeur Gilbert Meynier parlera du «Poids du passé sur l'Algérie d'aujourd'hui».D'emblée, ce professeur émérite de l'université de Nancy II parlera de l'Algérie, comme étant une société incluse dans l'aire islamo-arabe méditerranéenne. Abordant son système de représentation, il le situera par rapport aux conflits et aux fractures entre la rive sud musulmane d'une part et l'Europe chrétienne d'autre part. Pour lui, les Algériens ressentent le sentiment d'avoir été des mal-aimés de l'histoire, par comparaison avec les voisins européens du nord ou par rapport au Mashreq. L'idéologie de base resta longtemps celle de communautés patriarcales méditerranéennes régissant la vie par une norme solidariste et unanimiste, la norme communautaire large étant incarnée par la communauté musulmane universelle. Il rappellera combien l'Algérie est pour les Algériens une incontestable patrie, mais la conscience d'une nation algérienne s'intercale entre les représentations des communautés de base et celle de la communauté universelle des croyants. Pour Gilbert Meynier, «le poids du passé colonial, enfin, pèse plus fortement en Algérie que dans d'autres sociétés islamo-arabes. Les traumatismes et la déstructuration sociale que le colonialisme déclencha ont installé en Algérie une culture du malheur tenant pour acquis que les Algériens étaient irrémédiablement constitués par la souffrance». Nul doute que cette conférence fera réagir les étudiants sevrés depuis longtemps de débats sur l'histoire de leur pays. De son côté, Pierrette Meynier parlera des «migrations algériennes vers la France, histoire et actualité». Son intervention, prévue cet après-midi à partir de 14 heures, portera sur l'histoire de l'immigration algérienne en France à partir du XIXème siècle et sur la situation actuelle de cette immigration. Origines de la «Harga» L'universitaire est très active au niveau de la CIMADE, une association caritative qui vient en aide aux migrants. Il s'agira, à travers son exposé de mettre en évidence les différentes phases de cette migration. Elle insistera plus particulièrement sur l'apparition de deux époques, dont elle situe la césure à l'année 1974. Pierrette Meynier soutient que le basculement s'est traduit par le passage entre une immigration de travail et une immigration commanditée par la France à une immigration pour raison familiale, économique, politique, dont elle attribue l'initiative aux Algériens, soulignant au passage que la France aurait plus ou moins subi cette nouvelle forme d'immigration algérienne. Ainsi, l'auteure aboutit à une première conclusion selon laquelle l'immigration algérienne se banalise au point de se confondre avec les autres migrations dans le sens Sud-Nord et elle est traitée par le Nord comme les autres migrations: accords bilatéraux de part et d'autre de la Méditerranée, système Frontex de verrouillage de l'Europe. Les prémices du nationalisme Pourtant, malgré ce dispositif impressionnant, le phénomène prend souvent la forme d'une tragédie sans fin. À l'évidence, cette conférence vient à point nommé pour relancer le débat sur ce phénomène que ni les morts, ni les refoulements, n'ont pu endiguer. Demain matin, c'est à nouveau le professeur Gilbert Meynier qui dévoilera face à la société civile sa parfaite connaissance de «l'Algérie depuis l'empire romain jusqu'à la fin du 19ème siècle». La période considérée est sous-tendue par les guerres de conquête et les résistances farouches des populations autochtones aux Romains, Vandales et Byzantins, bien avant l'arrivée de l'Islam. La période classique que l'historien situe entre la conquête arabe et la chute de Grenade sera fortement puisée à partir de son excellent ouvrage «L'Algérie, cœur du Maghreb classique» qui constitue une contribution magistrale à la compréhension de la société maghrébine. La décadence permettra l'arrivée des frères Barberousse et l'installation d'une administration beylicale qui ouvrira la voie à l'invasion française et à l'installation forcée et sanglante d'une colonie de peuplement. Ceci allait se traduire pour les Algériens par de multiples actions de dépossession à la fois de leurs terres et de leur histoire. La fin du XIXème siècle correspond à la fois à l'achèvement de la conquête du Tell et d'une grande partie du Sahara, mais aussi à l'émergence d'un embryon d'intelligentsia annonçant les prémices d'une nouvelle forme de revendication nationaliste, que d'aucuns en attribuent la paternité à l'Emir Khaled.