Sincèrement, il n'y a pas pire qu'une décision de justice injuste. Elle est destructrice de vie et de parcours», a lancé hier, lors d'une conférence de presse animée à Alger, maître Khaled Bourayou, l'avocat des 12 cadres de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) condamnés le 10 novembre dernier à 4 et 5 ans de prison ferme par le tribunal de Sidi M'hamed dans le cadre d'une affaire liée à l'achat, par la DGSN, d'onduleurs électriques. Une affaire dans laquelle a été condamné par ailleurs le présumé assassin du directeur général de la Sûreté nationale Ali Tounsi, Chouaib Oultache, à 7 ans de prison ferme. Les officiers de police en question avaient été choisis pour leurs compétences comme membres de la commission d'évaluation technique pour vérifier la conformité de l'offre proposée avec le cahier des charges. Selon Me Bourayou, leur avis était «purement technique». Ils n'ont donc, selon lui, «aucune responsabilité dans la conclusion du marché entre la DGSN et le fournisseur ABM». Les 12 cadres de la police, dont l'avis ne pouvait pas dépasser le cadre technique, ne savaient pas que leurs vies allaient ainsi être bouleversées. «Ils sont doublement sanctionnés : ils sont injustement condamnés par le tribunal et suspendus de leurs fonctions au sein de l'institution, donc sans le sou.» Pour Me Bourayou, «la consultation technique n'engage en rien dans la passation du contrat». «Ils n'ont pas à être impliqués dans une affaire qui les concerne pas», a dit le conférencier, avant que deux autres membres du collectif de la défense, maîtres Dandani et Rehioui, présents lors de la conférence de presse, ne relèvent d'autres irrégularités. «Il n'y a pas de plaignant dans cette affaire», affirment-ils avant de préciser que la poursuite a été enclenchée après l'assassinat du directeur général de la Sûreté nationale et avant la nomination du général Hamel. Une autre zone d'ombre ! Les deux avocats évoquent un rapport de l'inspection qui n'a pas été mis à la disposition de la justice. Un document qui, pour des raisons inexpliquées, est tenu secret. Tout cela fait dire à Me Bourayou que la condamnation des 12 cadres de la DGSN est une «dérive». «C'est une décision grave», a-t-il martelé. Selon lui, «si on continue dans cette voie, on ne va plus trouver de cadres pour travailler dans ce pays». «Il est important que cette situation s'arrête, on doit y mettre fin, il y a va de la vie des institutions et des entreprises nationales», a dit l'avocat, qui interpelle les hautes autorités du pays sur la situation des cadres. Beaucoup d'entre eux refusent d'ailleurs de siéger au sein des commissions techniques, indique le conférencier. En effet, Me Bourayou se dit persuadé qu'«il ne peut pas y avoir de réformes et d'espoir dans ce pays sans la confiance et la stabilité des cadres algériens». «Douze cadres sont suspendus de leurs fonctions, la plupart ont des familles à charge», tempête l'avocat avant de préciser que les victimes de ce qu'il qualifie «de grave dérive n'ont même pas bénéficié de la présomption d'innocence». «Voilà où mènent les décisions injustes et le manque de discernement», regrette Me Bourayou. A la question de savoir si cette affaire a un lien avec l'assassinat de Ali Tounsi, l'avocat tranche : «Non cela n'a rien à voir avec l'assassinat du DGSN. Les cadres en question ont fait partie d'une commission technique qui a émis un avis technique, pas plus.» «Comment ont-ils été impliqués dans cette affaire, alors que ceux qui ont fait partie des commissions de Sonatrach n'ont pas été poursuivis dans les affaires qui ont éclaboussé la compagnie nationale?» s'interroge Me Bourayou. Il dit ne pas contester la décision de justice, mais se pose des questions sur les fondements de la condamnation des 12 cadres de la DGSN. Le conférencier fait savoir que ces derniers sont déterminés à s'adresser au premier magistrat du pays pour exposer leur situation. Me Bourayou, qui insiste sur cette «dérive judiciaire», regrette que dans les affaires de corruption et de détournement, il n'y ait pas assez de filtres. Selon lui, «le ministère public laisse tout au juge. Et les cadres sont sanctionnés à la pelle. Il y a un abattage systématique des cadres algériens».