La grève de la faim et du travail entamée dimanche dernier par les 5000 travailleurs de l'Entreprise nationale des grands travaux pétroliers (ENGTP), à travers les bases et chantiers situés à Hassi Messaoud, Rourdhe Ennous, In Amenas, Hassi R'mel, Ourhoud et El Merk se poursuit depuis dimanche dernier. Entamé par une grève de la faim afin d'attirer l'attention de Mohand Saïd Louissi, PDG de l'ENGTP, sur le refus de verser les 80% de rappels des indemnités de zone (IFRI) et du travail posté et les conditions de vie difficiles dans les chantiers, le débrayage s'est vite élargi. Tous les chantiers sont à présent à l'arrêt jusqu'à nouvel ordre. La direction générale de l'entreprise avait pourtant promis de verser lesdits rappels une fois que les autres filiales de Sonatrach localisées à Hassi Messaoud en auront fait de même, ce dont nous avions rendu compte la semaine écoulée. Mais ces promesses sont restées lettre morte, car la majorité écrasante des structures du groupe Sonatrach ont versé les indemnités en question, hormis l'ENGTP. Le syndicat d'entreprise ainsi que leur direction générale ont vainement été relancés durant la semaine du 5 au 10 novembre dernier. Les travailleurs déplorent le fait que la gestion de l'ENGTP demeure la plus médiocre avec une grille de salaire la moins cotée du secteur pétrolier, des conditions de vie et un système de travail pénibles sans contrepartie financière. Le fait est que le reste des entreprises du secteur a enregistré des améliorations quant aux salaires, conditions de vie et système de relève. Les divisions production et forage de Sonatrach, ainsi que l'ENTP et l'Enafor adoptent actuellement le système du 4x4 pour le personnel opérationnel, tout en lui accordant les indemnités IFRI durant les congés. Ce qui n'est pas appliqué pour le personnel de chantier de l'ENGTP. Un travailleur parle d'une situation critique : «Je travaille sous le régime de la relève 5/3, donc 5 semaines de présence sur chantier pour 3 semaines de congé durant lequel je ne perçois pas les indemnités IFRI.» Il ajoute que beaucoup d'ouvriers sont toujours contractuels depuis plus de dix ans. L'ENGTP englobe principalement des soudeurs et des manœuvres travaillant à découvert et reliant les grandes distances entre les différentes stations de Sonatrach avec des gazoducs et oléoducs traversant les immenses étendues du désert algérien. Nos interlocuteurs assurent qu'on les surnomme «employés des travaux forcés». Et de renchérir : «Le syndicat occulte nos préoccupations socioprofessionnelles, et la direction générale use de dédain pour tous ceux qui enfilent une combinaison.» Par ailleurs, l'hébergement du personnel de chantier de l'ENGTP dans des baraques vétustes héritées de l'entreprise française Altra reste la tare du secteur. Les travailleurs que nous avons rencontrés ont tous requis l'anonymat de peur de représailles. L'un d'eux affirme : «Nous continuons à traverser à découvert entre 50 à 100 mètres pour prendre une simple douche, quant à l'eau chaude, c'est un luxe qui nous est refusé !» Par ailleurs, nombre d'entre eux assurent qu'ils cotisent pour remplir des jerricans d'eau potable filtrée, car l'entreprise a omis de réparer la station d'eau potable et d'en approvisionner le chantier. Ceci est bien désolant au moment où d'autres entreprises du secteur enregistrent des prouesses dans ce domaine, de même qu'au niveau des cuisines où la nourriture existe en quantité, mais sa répartition ainsi que sa qualité restent médiocres de l'avis des travailleurs de l'ENGTP. A notre question concernant l'issue attendue de cette grève, les grévistes ont exprimé leur étonnement de voir leur mouvement poussé à se poursuivre, au moment où l'objet même de la grève est un acquis ratifié et reconnu. «A l'entame de notre grève, nous avons continué à travailler tout en boycottant le restaurant les 13 et 14 novembre. A notre surprise, aucun membre du syndicat ou des représentants de la direction générale ne se sont rapprochés de nous pour s'enquérir de nos doléances, bien au contraire nous avons eu écho de la réquisition de trois de nos collègues pour avoir ‘‘semé'' le trouble au sein des salariés.» Les grévistes trouvent cette répression des plus aberrantes, d'autant plus qu'elle s'est étendue aux travailleurs rentrant de congé, poussés à travailler avec la menace de ne pas signer leur état de présence. Suite à cette démarche, les grévistes ont décidé de changer de méthode, ils enfilent leurs combinaisons, se regroupent dans les bases de vie de 4h du matin à midi sans rejoindre leurs postes mais vont au restaurant pour se nourrir tout en restant dans les bases de vie durant l'après-midi.