Protection des civils et asphyxie du régime par tous les moyens, diplomatiques ou financiers. Voilà en gros ce que réclame davantage et de manière urgente l'opposition syrienne de la communauté internationale. «Nous espérons que les sanctions feront leur effet. Il est encore possible de renforcer les pressions», estime Basma Kodmani, membre du secrétariat général du Conseil national syrien (CNS), qui regroupe la plupart des courants de l'opposition syrienne. Elle intervenait lors d'une rencontre-débat organisée, dans la soirée de lundi à Paris, dans la mairie du 20e arrondissement, par le collectif Souria Houria (Syrie libre). La Ligue arabe, qui a suspendu la participation de la Syrie, avait donné à Damas jusqu'à samedi dernier pour cesser la répression, sous peine de sanctions économiques. «La Ligue arabe a pesé de son poids, mais elle ne pèse pas assez fort», ajoute-t-elle. Son ultimatum resté lettre morte, la Ligue arabe va à nouveau le 24 novembre examiner les suites à donner au rejet de son plan de sortie de crise par le président Bachar Al Assad. Dans la matinée d'hier, l'Allemagne a présenté à la commission des droits de l'homme de l'Assemblée générale des Nations unies un projet de résolution condamnant la répression de la contestation. Co-rédigé par l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France, ce texte est cosigné par 61 pays, dont cinq Etats arabes. «Victime du précédent libyen» Sur le veto russe et chinois, la militante considère que le Conseil de sécurité de l'ONU est «paralysé». «Le discours russe n'est pas encourageant. Il est crispé. En principe, il n'est pas hostile à l'opposition, mais plutôt à la gestion faite par les pays occidentaux», note la politologue. Pour elle, la révolte syrienne est «victime du précédent libyen». «Le scénario libyen nous a fait beaucoup de tort. Les Russes considèrent qu'ils ont été floués», dit-elle, soulignant que l'interventionnisme, dans le cas de son pays, serait «contre-productif». Derniers soutiens de Bachar Al Assad, Moscou et Pékin avaient mis, en octobre, leur veto à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU qui menaçait la Syrie de nouvelles sanctions. Depuis sa création, le CNS n'est reconnu que par les nouvelles autorités libyennes. Celui-ci réclame davantage de reconnaissance de la part de la communauté internationale dans l'espoir de «délégitimer» le pouvoir baasiste en place. Priorités du CNS Des membres de l'opposition continuent de sensibiliser l'opinion internationale et les dirigeants occidentaux. Ceci dit, le CNS ne sera pas pour autant «anti-islamiste» quoi qu'il aspire à l'édification d'un «système politique démocratique et pluriel», prévient Mme Kodmani. Au chapitre des défis, l'opposition syrienne a une charge sur les épaules : réclamer une protection de la population civile, «à travers le déploiement des forces d'interposition et des observateurs», rappelant qu'il faudrait «avancer dans un cadre arabe». «Quand un régime ne peut pas protéger sa propre population, il ne peut se targuer d'aucune souveraineté», lance la conférencière. Autre équation à résoudre : éviter la tentation de la lutte armée. Depuis plusieurs semaines, les déserteurs de l'Armée syrienne libre intensifient leurs attaques contre l'armée régulière du président Bachar Al Assad. A son égard, l'opposition veut garder un œil ouvert. Si elle salue l'action «nécessaire» de cette armée «méconnue», qui est de «protéger les manifestations pacifiques», la chercheure au CNRS note toutefois que cette armée de dissidents pose des problèmes. «Pour nous, l'armée doit être sous la coupe des civils. Ce sujet sera en discussion afin d'établir les principes sur lesquels elle doit se conformer», insiste l'oratrice. Pour ce qui est de la transition, l'opposition a annoncé, dimanche dernier, un programme politique qui vise la chute du régime syrien et la tenue d'élections à l'issue d'une période de transition d'un an. Selon ce projet, le conseil «dirigera le pays avec l'institution militaire pendant la période transitoire afin de préserver l'unité et la sécurité du pays». «Un gouvernement temporaire sera formé et il sera chargé d'organiser des élections libres au bout d'un an sous une supervision arabe et internationale pour désigner une assemblée constituante avec pour mission d'élaborer une nouvelle Constitution», ajoute le texte. Haro sur les anciens caciques Depuis quelques semaines, d'anciennes figures du régime Al Assad, largement discréditées, cherchent à se refaire une virginité. Ancien vice-président syrien, Abdel Halim Khaddam a demandé «une intervention militaire de la communauté internationale» comme en Libye. Rifaat Al Assad, frère cadet de l'ancien président Hafez Al Assad, souhaite la création d'une coalition internationale et arabe «qui garantirait au Président (et au régime) sa sécurité pour qu'il puisse démissionner et le remplacer par quelqu'un (...) de sa famille». Mme Kodmani s'est dite «étonnée» de la place qui leur a été faite par les médias français. «Rejetés, ces gens qui ne représentent rien n'ont aucun avenir», tranche la militante. Interpellée sur le sort des Alaouites, si le régime syrien quitte le pouvoir, la directrice de l'Arabe réforme initiative, consortium d'instituts de recherche du Monde arabe rassure. «L'avenir des Alaouites sera garanti », conclut-elle. Le régime de Bachar Al Assad s'appuie sur la fidélité de cette minorité qui redoute de tout perdre, malgré la volonté d'apaisement des opposants.