Une réunion décisive de la Ligue arabe sur la Syrie se tient aujourd'hui à Rabat pour définir une position plus ferme et, éventuellement, accentuer les sanctions contre le régime syrien, de plus en plus isolé sur la scène régionale et internationale. Alors que les pressions se multiplient contre le régime en place, les pays arabes, rassemblés au sein de la Ligue, veulent parler d'une même voix pour ramener à la raison le président syrien, au moins pour appliquer le plan de paix arabe, sinon à renforcer les mesures de rétorsion prises le 12 du mois au siège de la Ligue au Caire. Et, selon des observateurs, il y a peu de chances que la réunion de Rabat, en fait un mini-sommet de crise, aboutisse à autre chose qu'à une autre vigoureuse condamnation du régime syrien, qui ne veut ni appliquer le plan de paix arabe, ni faire des concessions à l'opposition. Et, symbole de cette «cassure» irrémédiable entre Damas, à qui l'on reproche dans la région d'être l'alliée de Moscou et de Pékin, ennemis traditionnels des Etats-Unis, qui chaperonnent les monarchies du Golfe, les pays du CCG (Conseil de coopération des pays du Golfe) ont refusé toute idée d'un sommet extraordinaire de la ligue arabe sur la Syrie, comme l'avait demandé dimanche Damas. «Le CCG estime que la demande de la tenue d'un sommet arabe en ces circonstances est inutile», vu que les ministres arabes des Affaires étrangères doivent se réunir ce mercredi à Rabat, a affirmé dans un communiqué Abdelatif Zayani, secrétaire général du CCG. Dès lors, la Syrie ne peut donc échapper aux sanctions «arabes», notamment son éviction de la Ligue, le rappel des ambassadeurs et la prise en charge de l'opposition, comme seul interlocuteur post-Bachar Al-Assad. Par ailleurs, la réunion de Rabat coïncide avec la visite du ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu pour participer à un Forum de coopération turco-arabe avec ses pairs. Et, à l'occasion de cette rencontre, la Turquie pourrait annoncer des mesures contre le régime syrien dans le cadre de cette concertation turco-arabe, selon des sources diplomatiques à Rabat. D'autant que le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan confirme qu'Ankara a perdu espoir de voir la Syrie répondre favorablement au plan de paix arabe. «Nous nous attendons plus à ce que l'administration d'Assad fasse preuve d'un leadership honnête, persuasif, brave et déterminé», a-t-il dit au Parlement, avant d'ajouter: «Personne n'attend de lui désormais qu'il se conforme aux demandes de la communauté internationale». Ankara menace, en outre, de couper l'électricité à la Syrie, et les relations entre les deux pays devront encore se détériorer après les attaques de samedi contre des missions consulaires turques dans le pays. Plusieurs centaines de Syriens brandissant le drapeau turc ont manifesté lundi soir en faveur de la Turquie à Alep au lendemain d'attaques ayant visé des missions diplomatiques turques dont le consulat situé dans cette ville, a rapporté la chaîne privée turque NTV. Les manifestants ont scandé «Merci au gouvernement turc et aux dirigeants arabes», selon cette chaîne d'information qui a diffusé des images du rassemblement. LA MAIN DE MOSCOU De son côté, l'opposition syrienne a tenu hier à Moscou une réunion avec des diplomates russes pour exiger le départ du président Assad. Une délégation de l'opposition syrienne en exil a pressé ainsi la Russie d'exiger le départ du président Bachar Al-Assad, en vue d'engager des pourparlers, a déclaré l'un de ses responsables lors d'entretiens avec le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. «Nous avons dit à nos collègues russes qu'il était indispensable que la Russie et la communauté internationale donnent un important signal et exigent la démission de Bachar Al-Assad pour rendre possible le début de pourparlers» avec les autorités, a déclaré Burhan Ghalioun, président du Conseil national syrien (CNS), qui regroupe la plupart des courants de l'opposition syrienne. «Nous voulons surmonter la crise et voudrions que cela se fasse sans intervention militaire extérieure», a ajouté M. Ghalioun, figure historique de l'opposition syrienne et professeur à la Sorbonne à Paris. «Nous sommes prêts à coopérer avec des représentants du pouvoir qui ne tuent pas des citoyens syriens, afin de trouver une issue pacifique à la crise», a-t-il ajouté. De leur côté, les diplomates russes ont "lancé un appel à tous les groupes de l'opposition syrienne (...) pour accomplir des objectifs politiques d'engager immédiatement l'initiative préconisée par la Ligue arabe pour régulariser la crise», selon un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères. Moscou reste pour le moment le seul grand soutien de Damas, même si en octobre dernier le président russe Dmitri Medvedev avait appelé Bachar Al-Assad à faire des réformes ou partir, mais en maintenant son opposition à toute ingérence des Occidentaux. C'est dans ce temps «diplomatique» de la crise syrienne que les violences se multiplient dans le pays, avec la mort lundi de 70 personnes dans plusieurs villes du pays, selon des organisations humanitaires. Lundi, 27 civils ont été tués par les forces de sécurité et 34 soldats et 12 déserteurs présumés sont morts lors d'accrochages armés, a indiqué une ONG syrienne de défense des droits de l'Homme. Un militant des droits de l'Homme a dit craindre de voir le régime Assad «amplifier sa répression sanglante» contre les manifestants pro-démocratie. Alors que la révolte entrait dans son 9e mois mardi, la violence a continué avec une attaque de déserteurs qui ont tué cinq militaires à Deraa et des accrochages à Idleb dans lesquels «14 soldats sont morts ou blessés», a précisé l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).