Le secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, est donné favori pour diriger le premier gouvernement islamiste du royaume. Cet homme à la mine maussade, âgé de 57 ans, qui a fait une cure de jouvence dans les mouvements de gauche, croit bien en son étoile. Il ne cache plus son envie de devenir chef du gouvernement bien qu'il ne fasse pas l'unanimité, y compris dans son propre parti. Pour les journaux marocains, Benkirane incarne l'islamiste antipathique dont il faut se méfier. Ils lui préfèrent Saâdedine El Othmani, son prédécesseur à la tête du PJD, un homme modéré qui rejette même l'étiquette d'islamiste. Mais le dernier conclave du parti a désigné Abdelilah Benkirane «candidat naturel» à la chefferie du gouvernement, en attendant «l'oracle» du roi. «Je ne serais pas fâché si Sa Majesté choisit une autre personne du PJD pour diriger le gouvernement», concède Benkirane. Et d'ajouter tout de suite après : «Oui, je veux être chef du gouvernement.» Pour ce faire, le chef du parti islamiste a déjà entrepris son opération de charme pour soigner son image de personnage «infréquentable», type Abdellah Djaballah, tel que décrit au Maroc. Aussitôt la victoire confirmée, l'antisioniste Benkirane est tombé dans les bras du président de la communauté juive du Maroc, Serge Berdiguau, qu'il a chaleureusement enlacé dans la salle de conférences du ministère de l'Intérieur. Le geste est certes «normal», mais il prend une autre signification quand l'acteur est un chef de parti islamiste qui vient de prendre le pouvoir. Une façon peut-être de rassurer cette communauté très influente au Maroc et d'espérer en retour un coup de pouce auprès du roi. Abdelilah Benkirane, qui a troqué son qamis pour un costume «in», a aussi promis aux journalistes de porter pour la «première fois» une cravate dès qu'il recevra l'appel du cabinet royal. «Je ne l'ai jamais portée, je ne sais même pas comme on fait le nœud, mais je vous promets de la porter quand j'irai voir Sa Majesté.» Benkirane plus royaliste que le roi ? Eh oui, l'homme qui a mené le PJD au pouvoir s'échauffe déjà à l'exercice ; il reçoit du beau monde et distribue des déclarations aux partenaires du Maroc, mais aussi aux hommes d'affaires nationaux dont il a reçu le patron. Son leitmotiv : «N'ayez pas peur de nous.» Mieux encore (ou pire), Benkirane promet, la main sur le cœur : «Je n'interdirai pas la vente d'alcool ni les minijupes.» Parole d'islamiste…