-Il est rare qu'un éditeur décide d'aborder la question du patrimoine par les gens… Oui, c'était l'idée de notre démarche. Nous voulions donner la parole à des gens qui nous racontent leur région, contribuent à son développement, en portent la mémoire, la chantent, la peignent et contribuent à son développement. Mais aussi nous voulions en faire un livre vivant, actuel, qui parle des Aurès aujourd'hui. -Vous avez choisi les Aurès, car vous connaissez bien la région pour y être né… En fait, un travail avait déjà été réalisé dans les années 1980 par Philippe Thiriez, à qui nous avons rendu hommage en le mentionnant dans le livre comme auteur. Ce Père blanc a enseigné les lettres dans un lycée de Batna où il a vécu de 1976 à 1985. Il avait sillonné la région et en avait fait un petit livre, En flânant dans les Aurès, publié à compte d'auteur au début des années 1980. Il est revenu nous voir il y a cinq ans pour rééditer le livre. Les informations commençaient à dater, mais il y avait énormément d'indications sur les lieux. Comme je suis natif de la région, j'ai proposé que l'on reprenne ces circuits d'une autre manière. Et nous avons rapidement constitué l'équipe. -Comment s'est passé le travail de terrain ? Avec Kays Djilali, nous avons parcouru 4500 km ! Nous avons identifié des personnes, puis nous nous sommes partagés le travail, portraits et promenades, avec Nadia Bouseloua et Rachid Mokhtari. Le livre nous aura demandé au total deux ans et demi de travail, car nous sommes parfois revenus deux à trois fois au même endroit, pour attraper la meilleure lumière, la bonne saison, etc. Selon les thèmes abordés, nous nous sommes immergés pendant plusieurs jours parfois. Je me souviens d'une chasse au canard pour laquelle nous nous sommes levés, dans le froid, à 5h du matin ! Ou d'une huilerie romaine encore en état de marche que nous avons trouvée après avoir parcouru plusieurs kilomètres à pied ! -Quelle est l'anecdote la plus marquante de ces deux années et demie ? La rencontre avec Hacène Kadri, un collectionneur de Citroën. On s'est retrouvés dans une ferme isolée avec un cimetière de Traction Avant. Il nous a raconté sa passion pour ces voitures, comment il a vendu une de ses vaches pour acheter une carcasse. Son coup de foudre à 10 ans pour une Citroën qu'il a achetée dix ans plus tard. Son mariage avec la fille du propriétaire de la voiture… Bref, un personnage ! -Avez-vous prévu d'autres supports pour valoriser tout ce travail ? Oui, car nous avons un fonds photographique de plus de 8000 photos ! Le livre en rassemble à peine 20%. On envisage donc de monter une exposition, pourquoi pas itinérante jusqu'en Europe. Nous comptons étendre ce concept à d'autres régions d'Algérie dès l'année prochaine.