Avec le retour des beaux jours, Philomène Bon et Karine Thomas sont revenues sur les lieux de l'errance fructueuse. La semaine dernière. Accompagnées de Sofiane Hadjadj des Editions Barzakh et du photographe Kays Djillali, elles ont rencontré par deux fois lecteurs, amis et journalistes à la librairie des Beaux-Arts et à l'Espace Noûn d'Alger. Nous avons reproduit quelques extraits de la discussion à bâtons rompus qui a eu lieu lundi à la Librairie des Beaux-Arts. Avec le retour des beaux jours, Philomène Bon et Karine Thomas sont revenues sur les lieux de l'errance fructueuse. La semaine dernière. Accompagnées de Sofiane Hadjadj des Editions Barzakh et du photographe Kays Djillali, elles ont rencontré par deux fois lecteurs, amis et journalistes à la librairie des Beaux-Arts et à l'Espace Noûn d'Alger. Nous avons reproduit quelques extraits de la discussion à bâtons rompus qui a eu lieu lundi à la Librairie des Beaux-Arts. Sofiane Hadjadj : «L'idée de ce livre a germé il y a deux ans, au printemps 2006. Il s'agissait de proposer des itinéraires de promenades. Et donc de construire un livre avec des photos inédites. C'est également le fruit de la collaboration entre deux éditeurs. Il fallait faire découvrir une ville à travers le regard de Philomène et Karine. Daho Djerbal en a assuré la préface. Philomène Bon : «Ce n'est pas un guide classique à visée purement commerciale, mais plus un prétexte à découvrir l'histoire culturelle d'une ville. A travers ses romanciers, ses chanteurs, ses musiciens, ses clubs de foot… C'est pourquoi il est si dense et si lourd. Ce livre s'adresse autant aux profanes et aux spécialistes, qu'aux Algérois à travers un regard vierge et naïf. Midi Libre : Qu'est-ce qui a motivé votre démarche ? Philomène Bon : Depuis Paris, la vision sur Alger est une vision apeurée. Il existe un grand décalage entre les mises en garde reçues et la réalité que nous avons vécue. Cette ville dégage une énergie folle. Nous avons voulu dépasser ce regard figé dans la crainte. Il y a également des tonnes de questionnements. Nous avons voulu y répondre. Karine Thomas : C'est comme un puzzle… A un moment nous nous sommes dit : et si on essayait de réunir toutes ces mémoires ? Cela a été une véritable quête labyrinthique à travers des rencontres avec des historiens, des architectes, des vidéastes... Ensuite, il a fallu prendre de la distance. Réinviter à l'errance, à la balade. Nous nous sommes posé la question de la légitimité de notre regard en tant que Françaises. C'est pourquoi le fait que le livre ait été réalisé en co-édition est symboliquement essentiel. Avez-vous eu accès facilement à la doc et aux archives ? Karine Thomas : Nous n'avons pas du tout eu une démarche qui aurait consisté à compulser les archives algériennes. Nos sources sont essentiellement orales. Nous avons fait un gros travail de recoupement des sources. Concernant aussi bien les noms des rues que tout le reste. Y a-t-il des similitudes entre Paris et Alger ? Philomène Bon : Forcément. Par exemple le front de mer, calqué sur la rue de Rivoli. Toute cette architecture coloniale… Quel était l'objectif du livre ? Karine Thomas : L'objectif était de revenir sur toutes les strates de l'histoire qui font la richesse de la ville. Il existe à Alger une énergie non retranscrite. Une ébullition, un tourbillon, des rumeurs… Nos balades ont été kaléidoscopiques… Pour traduire tout cela, nous avons beaucoup lu les auteurs algériens de langue française. Le but étant d'enrichir les promenades par ces écrits. D'ailleurs, nous avons participé à un festival du travelling à Rennes et nous avons utilisé comme pistes toutes les séquences des films où Alger était montré. Comme le cimetière de Belcourt, l'escalier Zinet… Notre livre tire sa substance de tout cela. Jusqu'à présent, quels sont les échos du livre en France ? Philomène Bon : En tout 4.000 exemplaires ont été édités. 2.000 pour l'Algérie et 2.000 pour la France. En France, le lectorat est essentiellement composé de pieds-noirs et de tous ceux qui étaient coopérants techniques durant les années 1970. Et dans la presse ? Philomène Bon : La presse en parle mais pas de façon critique. Un libraire parisien nous a complimentées. Qu'est-ce qui vous a le plus marquées ? Karine Thomas : La période des années 1970 à Alger. Une période très politisée. Che Guevara, Castro, Mandela sont passés par là… Quel a été le fil conducteur ? Philomène Bon : Saisir l'espace urbain dans sa transversalité. Il nous a fallu deux ans de travail sur le terrain. Peu à peu, notre collecte s'est enrichie et les données se sont entremêlées. Nous faisions parler des gens sur les rues, souvent dans la rue d'ailleurs. Nous avions un tel appétit de connaissances… Vous n'avez pas pris en photo les plafonds ottomans, et pourtant ils valent le coup d'œil… Karine Thomas : C'est dire toute la difficulté de photographier dans ce pays. L'expérience exaltante était de se laisser porter par les gens. Nous avons découvert une forme d'ivresse. Est-ce que vous n'avez jamais eu de problèmes à vous balader ainsi, femmes seules dans les quartiers dits chauds ? Philomène Bon : Non pas du tout. Un jour qu'un jeune homme nous posait la même question, nous lui avons demandé où sont ces fameux voyous qui ne se sont jamais manifestés ? Il nous a répondu : «Ce sont des voyous timides…». Une autre fois, alors que Karine a eu l'imprudence de téléphoner alors qu'elle gravissait des escaliers, elle s'est fait piquer son portable. Un athlète du quartier a coursé le voleur et nous l'a restitué. Comment a eu lieu votre rencontre avec l'éditeur Sofiane Hadjadj ? Karine Thomas : Par le hasard des librairies. Au départ, nous voulions faire des interviews qui feraient imaginer la ville et confronter le rêve et la réalité. Puis tout a changé au fur et à mesure. Nous avons limité notre dessein aux promenades à pied et nous n'avons guère touché aux périphéries, même pas à Kouba. Globalement, comment avez-vous trouvé les Algérois ? Philomène Bon : Ce qui nous a le plus touchées c'est de se sentir tellement les bienvenues. La chaleur humaine… Des frustrations ? Karine Thomas : Oui beaucoup. La matière n'était pas facile à travailler. Nous aurions voulu une écriture plus enlevée, littéraire. C' est pourquoi nous avons truffé le livre d'extraits littéraires. Pour y injecter un peu de lyrisme. Nous souhaitions une préface historique mais Daho Djerbal nous a livré un ressenti…. Des projets ? Philomène Bon : Oui, un guide des lieux algériens en France, cela risque d'être passionnant. Sofiane Hadjadj : «L'idée de ce livre a germé il y a deux ans, au printemps 2006. Il s'agissait de proposer des itinéraires de promenades. Et donc de construire un livre avec des photos inédites. C'est également le fruit de la collaboration entre deux éditeurs. Il fallait faire découvrir une ville à travers le regard de Philomène et Karine. Daho Djerbal en a assuré la préface. Philomène Bon : «Ce n'est pas un guide classique à visée purement commerciale, mais plus un prétexte à découvrir l'histoire culturelle d'une ville. A travers ses romanciers, ses chanteurs, ses musiciens, ses clubs de foot… C'est pourquoi il est si dense et si lourd. Ce livre s'adresse autant aux profanes et aux spécialistes, qu'aux Algérois à travers un regard vierge et naïf. Midi Libre : Qu'est-ce qui a motivé votre démarche ? Philomène Bon : Depuis Paris, la vision sur Alger est une vision apeurée. Il existe un grand décalage entre les mises en garde reçues et la réalité que nous avons vécue. Cette ville dégage une énergie folle. Nous avons voulu dépasser ce regard figé dans la crainte. Il y a également des tonnes de questionnements. Nous avons voulu y répondre. Karine Thomas : C'est comme un puzzle… A un moment nous nous sommes dit : et si on essayait de réunir toutes ces mémoires ? Cela a été une véritable quête labyrinthique à travers des rencontres avec des historiens, des architectes, des vidéastes... Ensuite, il a fallu prendre de la distance. Réinviter à l'errance, à la balade. Nous nous sommes posé la question de la légitimité de notre regard en tant que Françaises. C'est pourquoi le fait que le livre ait été réalisé en co-édition est symboliquement essentiel. Avez-vous eu accès facilement à la doc et aux archives ? Karine Thomas : Nous n'avons pas du tout eu une démarche qui aurait consisté à compulser les archives algériennes. Nos sources sont essentiellement orales. Nous avons fait un gros travail de recoupement des sources. Concernant aussi bien les noms des rues que tout le reste. Y a-t-il des similitudes entre Paris et Alger ? Philomène Bon : Forcément. Par exemple le front de mer, calqué sur la rue de Rivoli. Toute cette architecture coloniale… Quel était l'objectif du livre ? Karine Thomas : L'objectif était de revenir sur toutes les strates de l'histoire qui font la richesse de la ville. Il existe à Alger une énergie non retranscrite. Une ébullition, un tourbillon, des rumeurs… Nos balades ont été kaléidoscopiques… Pour traduire tout cela, nous avons beaucoup lu les auteurs algériens de langue française. Le but étant d'enrichir les promenades par ces écrits. D'ailleurs, nous avons participé à un festival du travelling à Rennes et nous avons utilisé comme pistes toutes les séquences des films où Alger était montré. Comme le cimetière de Belcourt, l'escalier Zinet… Notre livre tire sa substance de tout cela. Jusqu'à présent, quels sont les échos du livre en France ? Philomène Bon : En tout 4.000 exemplaires ont été édités. 2.000 pour l'Algérie et 2.000 pour la France. En France, le lectorat est essentiellement composé de pieds-noirs et de tous ceux qui étaient coopérants techniques durant les années 1970. Et dans la presse ? Philomène Bon : La presse en parle mais pas de façon critique. Un libraire parisien nous a complimentées. Qu'est-ce qui vous a le plus marquées ? Karine Thomas : La période des années 1970 à Alger. Une période très politisée. Che Guevara, Castro, Mandela sont passés par là… Quel a été le fil conducteur ? Philomène Bon : Saisir l'espace urbain dans sa transversalité. Il nous a fallu deux ans de travail sur le terrain. Peu à peu, notre collecte s'est enrichie et les données se sont entremêlées. Nous faisions parler des gens sur les rues, souvent dans la rue d'ailleurs. Nous avions un tel appétit de connaissances… Vous n'avez pas pris en photo les plafonds ottomans, et pourtant ils valent le coup d'œil… Karine Thomas : C'est dire toute la difficulté de photographier dans ce pays. L'expérience exaltante était de se laisser porter par les gens. Nous avons découvert une forme d'ivresse. Est-ce que vous n'avez jamais eu de problèmes à vous balader ainsi, femmes seules dans les quartiers dits chauds ? Philomène Bon : Non pas du tout. Un jour qu'un jeune homme nous posait la même question, nous lui avons demandé où sont ces fameux voyous qui ne se sont jamais manifestés ? Il nous a répondu : «Ce sont des voyous timides…». Une autre fois, alors que Karine a eu l'imprudence de téléphoner alors qu'elle gravissait des escaliers, elle s'est fait piquer son portable. Un athlète du quartier a coursé le voleur et nous l'a restitué. Comment a eu lieu votre rencontre avec l'éditeur Sofiane Hadjadj ? Karine Thomas : Par le hasard des librairies. Au départ, nous voulions faire des interviews qui feraient imaginer la ville et confronter le rêve et la réalité. Puis tout a changé au fur et à mesure. Nous avons limité notre dessein aux promenades à pied et nous n'avons guère touché aux périphéries, même pas à Kouba. Globalement, comment avez-vous trouvé les Algérois ? Philomène Bon : Ce qui nous a le plus touchées c'est de se sentir tellement les bienvenues. La chaleur humaine… Des frustrations ? Karine Thomas : Oui beaucoup. La matière n'était pas facile à travailler. Nous aurions voulu une écriture plus enlevée, littéraire. C' est pourquoi nous avons truffé le livre d'extraits littéraires. Pour y injecter un peu de lyrisme. Nous souhaitions une préface historique mais Daho Djerbal nous a livré un ressenti…. Des projets ? Philomène Bon : Oui, un guide des lieux algériens en France, cela risque d'être passionnant.