«Le retour» est le thème du troisième Festival international de l'art contemporain d'Alger (FIAC 2011). Le concept est pris dans son sens philosophique, social et artistique. L'homme semble être seul au monde. Attaché à une corde, torse nu, barbe de plusieurs jours, il tourne les pieds plongés dans du béton. Il tourne sans arrêt. La plateforme grise est placée dans le cadre verdoyant d'une forêt. «Le cercle de la sagesse», une œuvre de l'artiste vidéaste russe Andrey Kuzkin est l'affiche choisie pour illustrer le troisième Festival international de l'art contemporain d'Alger (FIAC 2011) marqué par une exposition au Musée national de l'art moderne et contemporain d'Alger (MaMa) qui se tient jusqu'au 3 février 2012. «L'artiste tourne dans du ciment. Et le ciment prend au fur et à mesure qu'il tourne. Il deviendra de plus en plus difficile pour lui d'avancer. La dureté est le combat de la vie. C'est le retour permanent de ce combat. La vie est un mouvement circulaire qui ne finit jamais», a relevé Nadira Laggoune, commissaire de l'exposition. Andrey Kuzkin, 32 ans, artiste conceptualiste, habitué des biennales de Moscou et de Berlin, est connu aussi par ses sculptures et par sa liberté de création. Il a refusé de suivre une carrière dans le design graphique pour échapper aux règles rigides de ce métier. Accélération du temps Il se revendique notamment de l'héritage du poète et artiste russe Andrei Monastyrski et du plasticien contemporain allemand Anselm Kiefer. La performance de Andrey Kuzkin paraît répondre le mieux à la thématique retenue pour le FIAC 2011, Le retour. «Le retour fait partie de notre vie. On parle de l'histoire et on retourne vers l'histoire, vers le passé pour expliquer le présent. On retourne à des choses qui nous ont semblé meilleures parce que nous sommes dans une situation de crise (…). Le Retour est ici compris comme le fait de revenir sur ce qui est occulté, oublié, relégué par les effets des vicissitudes de l'économie, du politique ou de l'histoire», a expliqué Nadira Laggoune. «Le retour» n'est donc pas expression d'un regard nostalgique vers le passé. Le risque aurait été d'être «trop ringard» par rapport à l'accélération du temps. Une accélération qui est déjà vue comme une nouvelle forme d'oppression par les philosophes des jours tranquilles ! Le jeune Algérien Atef Berdjem, 29 ans, enseignant à l'Ecole des beaux-arts de Annaba, explore les domaines de ce qui ressemble encore à l'avant-garde. «La relative théorie de l'homme», la photo artistique qu'il expose au MaMa, représente un personnage avec un robinet dans la bouche «rêvant» de bananes et de galons. Il est tantôt noir, tantôt à moitié noir, à moitié blanc. Bref, l'être humain dans toute sa splendeur ! L'homme ne cherche-t-il pas «la puissance» pour mieux dominer, mieux apparaître, mieux exister ? L'Algérienne Halida Boughriet, en photographiant de vieilles dames allongées à côté d'une fenêtre, tente de révéler toute la fragilité de l'humain pris dans le cercle infini de l'existence. Il s'invente des histoires, il saute, crée la bombe atomique, les logiciels, la pub…, mais il ne pourra jamais arrêter la marche du temps. Le point de départ n'est jamais loin ! C'est un peu l'idée de la démarche artistique du Pakistanais Imran Channa qui expose aussi au MaMa. Memories, son œuvre, suggère la vitesse, le mouvement perpétuel des heures qui filent comme le sable entre les doigts. Prenez un train et regardez les paysages qui courent… vous aurez une idée. La Tunisienne Amal Bennatia est, elle, revenue, à sa manière, sur les événements «accélérés» qu'a connus son pays en janvier 2011. La vidéo présentée au MaMa rappelle le couvre-feu imposé pour une courte période à Tunis avant l'effondrement du régime de Zine Al Abidine. La mort violente, et souvent humiliante, des dictatures a toujours inspiré les artistes libres.