Les débats qui vont avoir lieu aujourd'hui à Vienne au cours de la 160e conférence ordinaire de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) risquent d'être animés et houleux, et ce, même si les prix affichés sur les marchés ne sont pas inquiétants pour les pays producteurs. La question des quotas qui ne sont pas respectés, surtout par l'Arabie Saoudite et, à un degré moindre, le Koweït a déjà donné lieu à des échanges acerbes. Après l'Iran dimanche, le Venezuela a appelé l'Arabie Saoudite et le Koweït à baisser leur production vu que le secteur du pétrole libyen commence à reprendre. Dimanche passé, le ministre iranien du Pétrole, Rostam Ghassemi, a appelé sans les citer l'Arabie Saoudite et le Koweït à réduire leur production de pétrole. Cité par les agences de presse, M. Ghassemi a déclaré à Téhéran : «Aujourd'hui, le marché de l'offre et de la demande est équilibré. L'Iran est opposé à une augmentation de la production des pays de l'OPEP et souhaite également que cesse la surproduction de certains pays décidée après la sortie du pétrole libyen du marché.» Selon les statistiques de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui défend les intérêts des pays consommateurs, la production de pétrole de l'Arabie Saoudite a été de 9,34 millions de barils/jour (mbj) au troisième trimestre 2011 contre 8,13 millions de barils par jour en 2010. En octobre, sa production a encore grimpé à 9,45 mbj alors que son quota officiel est de 8,05 mbj. L'Arabie Saoudite ciblée Après l'Iran hier, c'était au tour du Venezuela d'interpeller l'Arabie Saoudite et le Koweït. A son arrivée à Vienne, le ministre vénézuélien du Pétrole, Rafael Ramirez, a pratiquement exigé que ces deux pays réduisent leur production. «Les pays du Golfe ont décidé d'augmenter de façon unilatérale leur offre et maintenant ils doivent la réduire pour s'adapter au niveau de production de la Libye», a-t-il déclaré. Répondant aux questions de la presse, M. Ramirez a précisé : «Il y a actuellement assez de pétrole sur le marché, il ne s'agit donc pas de réduire la production de l'OPEP dans son ensemble, seulement l'offre des pays du Golfe.» Selon les statistiques du Middle East Economic Survey (MEES), l'Arabie Saoudite a produit 9,9 millions de barils par jour pour un quota de 8,05 mbj. Le Koweït a produit 2,69 mbj pour un quota de 2,22 mbj et les Emirats arabes unis ont produit 2,49 pour un quota de 2,22 mbj.Actuellement, la production des pays de l'OPEP, sans l'Irak, dépasse largement le plafond officiel de 2,48 mbj à 3,1 mbj, selon les sources. Si le problème ne se pose pas maintenant, vu le niveau des prix qui sont autour de 100 dollars le baril, la situation pourrait devenir critique puisque le pétrole libyen commence à revenir progressivement sur le marché et que les prévisions en matière de demande pour 2012 sont revues à la baisse. Avec une augmentation de la production du pétrole de l'Irak qui monte vers les 3 millions de barils par jour (2,845 mbj), la situation pourrait s'aggraver en 2012. L'OPEP a revu, dans son rapport mensuel de décembre, ses prévisions pour la demande mondiale de pétrole pour 2012 à 88,87 mbj contre 89,01 mbj le mois dernier. Sur le plan économique, dans le rapport, l'Organisation affiche ses inquiétudes en estimant que «les mesures d'austérité prévues dans la zone euro mais aussi dans les autres pays de l'OCDE, le ralentissement dans les pays en développement, en particulier la Chine et l'Inde, et la situation économique toujours morose aux Etats-Unis sont des facteurs qui nécessitent une attention particulière». Un consensus pour le maintien du plafond de production semblait se dessiner, hier. Le plafond officiel de production est toujours de 24,84 millions de barils par jour. Lors de la réunion de juin dernier, la conférence de l'OPEP s'était terminée sans que les pays n'adoptent un communiqué, comme à l'accoutumée. Les divergences du mois de juin L'OPEP s'est retrouvée divisée en deux camps lors des débats. D'un côté, les pays du Golfe (Arabie Saoudite, Koweït, Emirats arabes unis et Qatar) qui voulaient augmenter le plafond de production à la demande de l'AIE et, de l'autre côté, les six pays opposés à un relèvement (Iran, Irak, Algérie, Angola, Libye et Venezuela). A la fin de la conférence, le secrétaire général de l'OPEP, Abdallah El Badri, avait reconnu que «les membres n'ont pas obtenu de consensus sur une modification de la production». Deux thèses s'étaient affrontées. La première, contenue dans la proposition de l'Arabie Saoudite et soutenue par le Koweït, le Qatar et les Emirats arabes unis, demandait une augmentation du plafond de production. La deuxième, défendue par l'Iran (président en exercice de l'OPEP pour l'année 2011) et soutenue par l'Irak, l'Algérie, l'Angola, la Libye et le Venezuela, proposait de reporter le débat au mois de septembre 2011. L'intransigeance de l'Arabie Saoudite et des trois pays du Golfe s'expliquait «politiquement» comme une volonté d'imposer un point de vue puisque depuis de nombreuses années, les pays de l'OPEP ont toujours trouvé un consensus même dans les pires moments. Un report du débat sur l'augmentation de la production au mois de septembre aurait pu être décidé. A l'intransigeance saoudienne et des autres Etats du Golfe, les six autres pays ont opposé un refus de l'augmentation pour juin. Une manière de marquer une différence d'approche dans la gestion de la régulation du marché pétrolier. Pour leur part, le Nigeria et l'Equateur n'ont pas beaucoup participé aux débats. Mais dans la pratique, les pays du Golfe ont augmenté leur production. Aujourd'hui, la nature du problème a changé et il leur est demandé de réduire leur production qu'ils avaient augmentée unilatéralement vu que le pétrole libyen commence à revenir sur le marché. Surtout que les prévisions de la demande pour 2012 sont à la baisse. Hier en fin de journée, le brent était à 109,33 dollars le baril, tandis que le brut américain était à 99,75 dollars.