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L'UGTA navigue à vue
Publié dans El Watan le 29 - 01 - 2006

Le monde du travail de ce début d'année 2006, fortement mis au pas par les pouvoirs publics, est comme orphelin d'un défenseur. De celui qui va porter sa voix et relayer ses râles. L'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) n'est que l'ombre d'elle-même. Elle navigue à vue, à contre-courant des intérêts des travailleurs.
Sérieusement malmenés par la libéralisation brusque de la sphère économique avec comme corollaires les compressions des effectifs, les licenciements et les retards dans les salaires, les travailleurs doivent maintenant subir le déchirement du parapluie de l'UGTA peu encline à répondre à leur cri. C'est que la direction nationale de la centrale est présentement plus préoccupée par sa survie en tant que syndicat unique du pouvoir que par les souffrances de ses adhérents travailleurs en bute à des lendemains incertains. Depuis quelque temps, chaque jour que Dieu fait, des dizaines, parfois des centaines de travailleurs, victimes des errements politiques de l'UGTA, font le pied de grue dans le hall du Palais du peuple pour faire entendre « en live » leurs préoccupations. Mais, souvent, leur cri a du mal à transpercer les murs d'un palais qui semble leur avoir définitivement tourné le dos. La tripartite ? Ce rendez-vous prétendument des grandes décisions que la direction agite à chaque fois pour chloroformer les travailleurs est devenu une arlésienne. Initialement prévue pour septembre, puis décembre, ce face-à-face avec le gouvernement risque de ne pas se tenir avant longtemps, confie un cadre syndical de l'UGTA sous le couvert de l'anonymat. Le gouvernement qui tient les cordons de la bourse a, lui, tranché, et sans état d'âme : « Les revendications salariales sont pressantes mais illégitimes », a dit Ouyahia. La formule est certes contradictoire, mais le message est limpide. Article 87 bis ou pas, il n y aura pas d'augmentation de salaires. Ouyahia a donc donné le coup de grâce au peu de crédibilité qui restait à l'UGTA, lui signifiant ainsi qu'il est illusoire d'attendre l'hypothétique tripartite. Or, les travailleurs ont été abreuvés de promesses que ce cadre de concertation devait forcément aboutir à la suppression de l'article 87 bis qui devait porter les salaires de base à 10 000 DA en plus des différentes indemnités. Hier encore, à l'occasion de la commémoration de l'assassinat de feu Abdelhak Benhamouda, Sidi Saïd a eu pour toute réponse : « Le chef du gouvernement a donné ses arguments et nous avons les nôtres que nous allons poser lors de la tripartite. » D'aucuns parmi « les masses laborieuses » ne croient plus ce genre de discours. Même la promesse miroitée, selon laquelle 4 milliards de dinars vont être débloqués prochainement pour éponger les arriérés de salaires, a été vite démentie en « off » par un ministre directement concerné par ce dossier. Pendant ce temps, le terrain social gronde dangereusement. La multiplication des foyers de tension et les grèves annoncées dans les prochains jours et la bataille pour la succession minent la centrale, qui évolue, depuis octobre dernier, dans une parfaite...illégalité. Pour cause, le mandat de l'actuelle direction est déjà terminé. C'est dire qu'Ahmed Ouyahia, qui ne manque pas d'ironie, a quelque part raison de qualifier les revendications « d'illégitimes » parce qu'exprimées par une direction « illégitime ». L'enjeu du prochain congrès, avec comme point d'orgue la succession, a fait tourner la tête à Sidi Saïd et aiguisé l'appétit de ses contradicteurs. La suspension de Mohamed Badaoui, responsable du syndicat des Douanes, de ses fonctions au sein de la centrale après qu'il lui eut promis au début de le réintégrer dans son poste à la DG des Douanes, est un signe, qui ne trompe pas, d'un affolement face à des lendemains qui ne chantent pas forcément pour Sidi Saïd. Ahmed Ouyahia qui a des représentants haut placés à la tête de l'UGTA ne verrait certainement pas d'un mauvais œil qu'un de ses lieutenants prenne le « perchoir » de la Maison du peuple. Il est en tout cas certain que l'UGTA ne fêtera pas un joyeux 50e anniversaire le 24 février prochain. Elle n'a désormais qu'un choix : s'adapter ou disparaître.

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