A l'entrée du village de T'kout (la perle), un Z géant en alphabet Tifinagh, accueille le visiteur. Symbole amazigh par excellence, il orne le djebel H'mar-Khadou qui surplombe le village et annonce fièrement le nombre d'années passées depuis qu'un roi guerrier amazigh inscrivit dans les pages de l'Histoire, le jour où commença la mémoire berbère. Nous sommes le jeudi 12 janvier, jour de l'an selon le calendrier amazigh. Yennayer ou Yennar, selon les Chaouis, vient rappeler aux habitants de T'kout, la victoire historique du roi Chechnaq contre le pharaon Ramsès III. En effet, voilà maintenant 2962 années que la célébration de cet événement majeur de l'histoire amazighe se perpétue de génération en génération. En dignes héritiers de la tradition, les Chaouis de T'kout n'ont pas manqué de fêter l'évènement comme il se doit, et ce en alliant, d'un côté le modernisme, qui fait partie intégrante de la personnalité amazighe, et un traditionalisme ancré dans la mémoire collective, sans qui les Amazighs perdraient une partie de leur identité. L'ouverture des festivités commence l'après-midi, avec une cérémonie consistant à remettre d'aplomb le grand Z, qui subit les effets du temps, et ce en le recouvrant d'une couche de plâtre et en actualisant le chiffre inscrit. La soirée connaît un véritable enthousiasme des habitants, qui ont trouvé un champ d'expression libre à travers la fête organisée au CEM Abdeslam Hocine, avec entrée libre. La soirée débute avec un hommage rendu aux tailleurs de pierre victimes de la silicose, suscitant chez les spectateurs une émotion intense. Un discours prononcé par l'un des organisateurs, fait rappeler à l'audience l'ancienneté du calendrier, mais aussi les innombrables personnalités et personnages historiques amazighs. L'assistance en veut, place à la musique et à l'expression artistique. La convivialité propre aux Chaouis a tout de suite pris place et s'est emparée des consciences de la centaine de personnes présentes, faisant ainsi de chaque passage de musicien, chanteur ou poète amateurs un moment de plaisir partagé qui a duré jusqu'au petit matin. «On a rarement l'occasion de faire des fêtes, on profite donc de celle-là qui se tient maintenant depuis plus de 7 ans», nous affirme Abderrahmane, l'un des jeunes présents. Le jour suivant est l'occasion de revenir aux traditions. Une cinquantaine de personnes se rassemblent autour d'une dégustation du mermech, plat traditionnel chaoui, et s'échangent les «assagwasamegas», sous l'œil bienveillant du Ouali, Sidi Abdesselam. Le rassemblement a vu plusieurs intervenants prendre la parole pour expliquer et faire rappeler à la nouvelle génération leurs origines et leur histoire, en insistant sur l'impératif de sauvegarder l'identité amazighe sans laquelle ils seront dissous dans une société étrangère à la leur. La fête prend fin et personne n'aura remarqué l'absence des officiels. Place alors à l'année qui s'ouvre à T'kout, avec pleins de souhaits et de résolutions pour ses habitants.