Habitat précaire rampant, retard dans les nouvelles constructions, attribution contestée des logements sociaux… Constantine a été cette semaine, à l'instar d'autres villes en Algérie, le théâtre de nombreuses protestations menées par les mal-logés. Entre-temps, les autorités essayent, tant bien que mal, de résorber ce problème en procédant à l'éradication progressive des bidonvilles. «Nous sommes désespérés, nous ne comprenons pas ce favoritisme. Comment a-t-on pu promettre 1400 logements et n'en attribuer que 690 ?», s'interroge Hichem, ancien habitant de l'avenue de Roumanie, qui avait participé au sit-in du 6 janvier sur le pont suspendu de Sidi M'cid, pour réclamer l'accès aux nouveaux appartements construits à Constantine. «Nous prévoyons une nouvelle manifestation, et cette fois-ci, si nos revendications ne sont pas prises en compte, ce sera le suicide collectif, puisque les autorités ne veulent pas nous écouter. Nous sommes hébergés, en attendant, par des parents, certains sont carrément à la rue, et avec la saison hivernale, particulièrement rude, beaucoup tombent gravement malades», ajoute-t-il. Des témoignages comme celui-ci, il y en a beaucoup à Constantine. A croire que la grande métropole de l'Est algérien souffre énormément du «mal-logement». Une mère de famille a tenu à exprimer son mécontentement : «Nous habitions l'avenue de Roumanie, et maintenant, nous n'avons plus de toit, ne serait-ce qu'une petite baraque pour nous abriter. On nous assure que nous serons relogés, mais nous n'avons rien vu venir. Certains, qui ne vivaient même pas avec nous, mais dans d'autres quartiers de Constantine, ont pu obtenir un logement à la Nouvelle Ville (Ali Mendjeli, à 22 km au sud de Constantine, ndlr). Franchement, quand j'y pense, je m'interroge pour mes six enfants. Je loge chez mon frère actuellement, nous nous retrouvons à quinze dans son minuscule appartement à Boussouf (quartier ouest)», s'insurge-t-elle. Le problème ne semble pas toucher uniquement le cas de l'avenue de Roumanie. Augmentation des loyers Un nouveau sit-in était prévu sur le pont de Sidi M'cid, devenu le symbole d'un malaise d'une partie de la population constantinoise, pour le jeudi 12 janvier, ce qui a entraîné une présence policière renforcée à ses abords. Finalement, rien ne s'est passé. Dimanche 15 janvier, dans la matinée, un sit-in est organisé devant le siège de l'APC. Une trentaine de personnes demandent à rencontrer le président de l'APC, Abdelhamid Chibane. Un cordon de sécurité est assuré à l'entrée de la mairie. Ces personnes, âgées pour la plupart, viennent du Nouveau Remblai, à proximité du Bardo. «Nous nous plaignons de l'augmentation des loyers et des charges. C'est inadmissible, raconte Sid Ahmed, 61, se voulant le porte-parole des protestataires. Cette augmentation est arrivée du jour au lendemain, sans que nous en soyons informés. Si aucune de nos revendications n'est satisfaite, nous ferons appel au président de la République qui, lui, nous écoutera sûrement. Il n'y a eu aucune amélioration de notre cadre de vie. Pire, les pouvoirs publics nous étranglent encore plus. Notre loyer, qui était de 1500 DA mensuel, est passé à 4500 DA.» Et d'ajouter : «Cela fait cinquante ans que je vis dans ce quartier, depuis pratiquement l'époque coloniale. Au lieu de nous alléger le coût de la vie et de s'attaquer aux vrais problèmes, comme les routes qui ne sont pas bitumées et l'éclairage inexistant, et lutter contre le marché informel omniprésent, et pas seulement chez nous, ils augmentent le loyer pour nous étouffer.» Calvaire Interrogé à ce sujet, le président de l'APC de Constantine avoue ne pas être au courant du dossier. «Vous savez, nous explique-t-il, ceux qui ont été délogés doivent être relogés. Et ceux qui n'ont pas pu être relogés doivent être indemnisés.» Chantier géant à ciel ouvert, la ville de Constantine semble être ceinturée de bidonvilles, dont beaucoup sont en voie d'éradication, suite à la politique impulsée par l'actuel wali, Noureddine Bedoui (voir l'interview ci-dessous). L'avenue de Roumanie a été complètement vidée de toute forme d'habitat précaire. Plus rien ne subsiste. Adel, ancien habitant, est, lui, plutôt satisfait : «El hamdoulillah, regardez, il ne reste plus rien ici, de ce qui défigurait une si belle ville comme la nôtre. J'habite maintenant dans un F3 à la Nouvelle Ville. C'est vrai que beaucoup n'ont pas encore été relogés, mais, inch Allah, ils finiront par obtenir satisfaction.» Les insatisfaits continuent de crier leur mal-être ? Hassan Khadraoui, président du Comité des sages des relogés de l'avenue de Roumanie (voir interview ci-contre) dit qu'ils doivent «patienter». En plus de la nouvelle ville Ali Mendjeli, existe également la nouvelle ville Massinissa située à proximité d'El Khroub, au sud de Constantine. Beaucoup y ont également été relogés, tels Salima et son époux Mohamed, qui vivaient le «calvaire» au quartier Sotraco. Pour Salima, «il n'y avait ni électricité ni eau courante. Mes enfants tombaient souvent malades. Ce n'est pas un environnement pour eux.» Surpeuplée «Certes, tout n'est pas parfait ici à Massinissa, mais au moins, nous sommes dans un immeuble en dur. Le seul souci que nous avons, c'est le transport pour nous rendre au centre-ville de Constantine.» Mohamed, lui, reste insatisfait. «Massinissa n'est pas à côté, comme vous pouvez le remarquer. Je travaille à Constantine, et parfois, il m'arrive de mettre plus de deux heures à cause de la circulation pour me rendre au centre-ville. Pourquoi n'avoir pas bâti là où il y avait des bidonvilles, tout simplement ? Non, franchement, la politique du logement est à revoir.» Cependant, beaucoup de Constantinois espèrent en la nouvelle politique impulsée par Noureddine Bedoui, wali depuis une année. Anis, habitant au quartier Djenane Tchina, croit beaucoup à la nouvelle manœuvre impulsée. «Il faut donner du temps au temps. Sous l'ancien wali, Boudiaf, des promesses ont été faites dans plusieurs domaines, mais n'ont jamais été tenues. L'actuel wali s'attelle, étape par étape, à améliorer les conditions de vie des Constantinois. Il ne faut pas oublier que la ville est surpeuplée du fait d'une population issue des communes, voire des wilayas limitrophes de l'Est. Cependant, je crains encore des manifestations de masse, surtout sur le pont Sidi M'cid, manifestations qui peuvent s'avérer incontrôlées etdramatiques.»