L'affaire de la publication par le journal conservateur danois Jyllands Posten de caricatures blasphématoires du visage du Prophète Mohamed (QSSSL) a dépassé la crise qui opposait, au départ, le Danemark aux pays arabo-musulmans, pour s'étendre, désormais, à toute l'Europe. Jeudi, le vice-président de la Commission européenne en charge de la justice, des affaires intérieures et des libertés, l'Italien Franco Frattini a déclaré : « Je comprends les sentiments d'affront, de frustration, voire de chagrin que les communautés musulmanes ressentent ces jours-ci », avant de réaffirmer l'attachement de l'Union européenne (UE) aux principes de la liberté de la presse. De son côté, le commissaire chargé du Commerce extérieur, Peter Mandelson, a estimé que « des faits de ce genre ne facilitent certainement pas le dialogue entre religions et cultures, ni le processus d'intégration (de l'immigration, ndlr) long et difficile, dans lequel de nombreux Etats, membre de l'union, sont engagés » et de préciser que « le fait que d'autres médias européens aient reproduit ces caricatures ne fait qu'ajouter de l'huile sur le feu ». Ces réactions font suite, entre autres, à la prise en otage de la représentation de l'UE en Palestine, dans la bande de Ghaza, par des combattants du Djihad islamique et des Martyrs d'El Aqsa du Fafah. Est-il utile de rappeler que cette crise arrive à un moment et dans une conjoncture politique internationale des plus tendues entre l'Occident et le monde arabo-musulman. A la victoire électorale du Hamas en Palestine, qui met, aujourd'hui, l'UE dans de réelles difficultés dans sa politique internationale, s'ajoute le dossier du dossier iranien du nucléaire, celui de la Syrie, de la situation de guerre en Irak et de l'activisme d'El Qaîda... Où le monde arobo-musulman se sent, sous une offensive de l'Occident, taxé de tous les maux de la terre. Et l'on pourrait remonter jusqu'aux attentats du 11 septembre 2001 et l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak. C'est dire que les caricatures en question ont sonné comme un coup de fouet dans la conscience et l'imaginaire collectif des peuples arobo-musulmans. De plus, faut-il rappeler que lors de la dernière conférence des pays de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), tenue au Caire en décembre 2005, il a été demandé, officiellement, au représentant de l'UE, présent à la conférence, de condamner les caricatures blasphématoires publiées, depuis septembre 2005, par le journal danois. L'OCI n'a même pas eu de réponse, même négative. Aujourd'hui, l'appel au boycott des produits nord-européens dans les pays arabes, n'est, peut-être, que le début d'une longue crise difficile à résoudre, et qui peut attiser les violences sous toutes leurs formes. La monté des extrémismes dans certains pays européens (l'extrême droite et associé au pouvoir des libéraux au Danemark) trouve en face d'elle les extrémismes religieux dans les pays arabes. Ainsi, les tenants de la théorie du « choc des civilisations », de Samuel Huntington, ont de beaux jours devant eux. Et le dialogue interreligieux et interculturel prôné par l'UE vient de recevoir un véritable défi. Celui que doivent relever, de part et d'autre, les religieux, les diplomates et les politiques éclairés.