Des dizaines de milliers d'Egyptiens se sont rassemblés hier sur la place Tahrir, au Caire, à l'occasion du premier anniversaire du début de la révolte qui a renversé le président Hosni Moubarak. «Journée de la police» sous le règne de Moubarak, le 25 janvier 2012 est devenu une Journée de la révolution. Islamistes, libéraux, partisans de gauche et citoyens se pressaient hier sur la place symbole de la révolution, au centre du Caire. Mais à chacun ses espoirs et son amertume. Les Frères musulmans, qui dominent le nouveau Parlement, sont présents non seulement pour célébrer le premier anniversaire d'une révolte populaire qui a abouti au départ, le 11 février 2011, du président Hosni Moubarak. Les Frères musulmans fêtent aussi leur victoire aux législatives. En effet, ils ont remporté 47% des sièges de députés lors des élections législatives. Le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), issu de cette confrérie, a remporté 235 sièges sur les 498 convoités lors de ce scrutin qui s'est tenu en plusieurs phases depuis le 28 novembre dernier. Le PLJ a obtenu 127 sièges au scrutin proportionnel, et 108 au scrutin uninominal à deux tours. Le parti salafiste Al Nour est arrivé en deuxième position, avec 121 élus, environ 24% des sièges. Le parti libéral Wafd a quelque 9% des sièges. Le futur Parlement sera chargé de désigner une commission qui rédigera une nouvelle Constitution. Une élection présidentielle est prévue avant la fin juin. L'ouverture du dépôt des candidatures débutera le 15 avril. Des militaires au pouvoir pharaonique Cependant, plusieurs mouvements pro-démocratie sont déterminés à poursuivre leur révolte inachevée et demander le départ du CSFA. Pour eux, la révolution n'est pas encore faite. Le CSFA a baptisé le 25 janvier «Journée de la révolution» qu'il fête en fanfare et parades. Mais les militants pro-démocratie n'en sont pas dupes. «Si nous devons célébrer quelque chose, ce sera la poursuite de notre révolution», a indiqué le groupe créé entre autres par le cyber-militant Waël Ghonim en 2010. «Ne vous laissez pas distraire par les commémorations officielles tant que le drapeau de la vérité ne flottera pas», a observé un autre groupe très actif sur internet, le Mouvement des jeunes du 6 avril. Un an après la révolte, les militaires sont toujours au pouvoir, même s'ils assurent vouloir partir une fois un président élu en juin. Et les élections législatives ont fait que les islamistes ont écrasé le camp des révoltés. Le Premier ministre, Kamal Al Ganzouri, est un des anciens chefs du gouvernement de Moubarak, et le chef d'Etat de fait, le maréchal Hussein Tantaoui, était son ministre de la Défense pendant 20 ans. L'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed Al Baradei, a annoncé le 14 janvier qu'il ne serait pas candidat à la présidentielle en Egypte. Le fait est que le régime autoritaire de Hosni Moubarak est toujours en place malgré le renversement de ce dernier. «Ma conscience ne me permet pas de présenter ma candidature à la présidence ou à tout autre poste officiel tant qu'il n'y a pas de véritable démocratie», a-t-il indiqué dans un communiqué. Et d'ajouter que «les capitaines du navire (...) continuent de naviguer dans les mêmes eaux qu'autrefois, comme si la révolution n'avait pas eu lieu». En revanche, une dizaine de personnalités sont données partantes pour la course à la présidence, la plus connue étant Amr Moussa, l'ancien secrétaire général de la Ligue arabe et ex-ministre des Affaires étrangères de Moubarak. Parmi les candidats déclarés ou probables se trouvent aussi Abdelmoneim Aboul Fotouh, un ancien responsable des Frères musulmans ayant rompu avec la confrérie, Ayman Nour, candidat malheureux contre Hosni Moubarak en 2005, ou encore le dernier Premier ministre de Moubarak, Ahmad Chafic. Ainsi, on prend les mêmes et on recommence comme s'il était possible de tirer de la farine d'un sac de charbon.