L'Armée égyptienne, qui dirige le pays depuis la chute d'Hosni Moubarak en février, veut conserver le pouvoir à l'issue de la présidentielle de juin prochain. L'ex-président américain Jimmy Carter tire ainsi la sonnette d'alarme en qualité d'observateurs internationaux en Egypte. Quand j'ai rencontré les dirigeants militaires, l'impression que j'ai eue, c'est qu'ils voulaient avoir certains privilèges au sein du gouvernement après l'élection du président“, a déclaré Jimmy Carter à des journalistes au Caire. L'ancien dirigeant américain est le fondateur du Centre Carter. Son organisation fait partie des observateurs internationaux des élections législatives en cours en Egypte. Malgré les assurances du pouvoir militaire, de nombreux mouvements et personnalités ont exprimé leur crainte que l'armée tente de conserver des prérogatives au-delà de la date fixée pour un retour au pouvoir civil. Dans le cadre des activités du Centre Carter, l'ex-président américain a rencontré des membres du Conseil Suprême des Forces Armées (Csfa), des dirigeants politiques et des représentants de la société civile. “Les dirigeants de tous les partis politiques m'ont dit souhaiter qu'une autorité civile assume la totalité des affaires du gouvernement une fois le processus (électoral) achevé“. Mais “il se peut que les dirigeants militaires soient sincères dans leur désir de rendre le pouvoir. Ils peuvent souhaiter ne garder que des privilèges spécifiques“, a affirmé Jimmy Carter. En Egypte, des manifestations de rues sont récurrentes pour exiger le départ des militaires. Selon le calendrier mis en place par le Csfa, les élections pour la Choura (chambre haute consultative) se termineront en février. Le Parlement doit ensuite nommer les 100 membres de l'Assemblée constituante qui rédigera la future loi fondamentale de l'Egypte, avant l'élection d'un président au plus tard fin juin. L'ex-responsable de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (Aiea), Mohamed El-Baradei, a annoncé samedi qu'il ne prendra pas part à cette joute électorale. Il était pourtant perçu comme l'un des favoris à la présidence égyptienne. Mohamed ElBaradei jette l'éponge Mohamed ElBaradei, ex-chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique, a annoncé qu'il ne serait pas candidat à la présidentielle en Egypte, estimant que le régime autoritaire de Hosni Moubarak était toujours en place malgré son renversement."Ma conscience ne me permet pas de présenter ma candidature à la présidence ou à tout autre poste officiel tant qu'il n'y a pas de véritable démocratie", a-t-il affirmé dans un communiqué."L'ancien régime n'est pas tombé", ajoute-t-il, malgré le départ en février 2011 de Hosni Moubarak, chassé par une révolte populaire après trois décennies de règne sans partage.Le pouvoir est depuis aux mains du Conseil suprême des forces armées (CSFA), dirigé par le maréchal Hussein Tantaoui, qui fut pendant vingt ans ministre de la Défense du président déchu aujourd'hui en jugement.L'armée a promis de rendre le pouvoir aux civils à l'issue d'une élection présidentielle prévue au plus tard fin juin, mais nombre d'Egyptiens l'accusent de vouloir préserver ses privilèges et continuer d'influencer la vie politique."Les capitaines du navire (...) continuent de naviguer dans les mêmes eaux qu'autrefois, comme si la révolution n'avait pas eu lieu", a poursuivi M. ElBaradei, prix Nobel de la Paix en 2005, en même temps que l'agence atomique de l'ONU qu'il dirigeait.M. ElBaradei relève que les institutions continuent d'être largement contrôlées par des personnes issues de l'ancien régime, notamment l'appareil judiciaire et les médias d'Etat.Il dénonce également la "politique répressive" des nouveaux dirigeants, allusion aux procès de civils devant des tribunaux militaires ou encore à la répression meurtrière de manifestations contre l'armée en novembre et décembre au Caire.Il souligne que la date prévue pour la présidentielle, avant fin juin, ne permet pas l'adoption d'ici là d'une constitution véritablement démocratique. Cette constitution doit être rédigée par une commission désignée par le futur Parlement.M. ElBaradei, 69 ans, était revenu en Egypte en février 2010, accueilli en héros par ses partisans à l'aéroport du Caire, après une longue carrière internationale, pour se placer résolument dans l'opposition à M. Moubarak.Depuis le départ de ce dernier, il est resté l'une des figures les plus en vue de la mouvance libérale et laïque.Cette tendance a toutefois été largement battue aux élections législatives qui viennent de se clore, marquées selon des résultats provisoires par une forte domination des islamistes de toutes tendances, qui remporteraient près de 70% des sièges de députés.L'ancien haut fonctionnaire international a reçu un accueil chaleureux à chaque fois qu'il s'est déplacé sur l'emblématique place Tahrir du Caire pour y apporter son soutien à des manifestations pro-démocratie, pendant le soulèvement anti-Moubarak et après.Son audience est toutefois apparue plus limitée dans l'Egypte profonde, où ses réseaux sont faibles et où ses adversaires le présentent sans relâche comme un homme ayant fait carrière à l'étranger, coupé des réalités égyptiennes.Une dizaine de personnalités sont données partantes pour la course à la présidence égyptienne, la plus connue étant Amr Moussa, un ancien secrétaire général de la Ligue arabe.On trouve également Abdelmoneim Aboul Fotouh, un ancien responsable des Frères musulmans ayant rompu avec la confrérie, Ayman Nour, qui fut candidat contre Hosni Moubarak en 2005, ou encore le dernier Premier ministre de M. Moubarak, Ahmad Chafic.