Des milliers de personnes ont accompagné, hier, l'illustre auteur-compositeur algérien Cherif Kheddam à sa dernière demeure à Boumessaoud, commune d'Imsouhal, daïra d'Iferhounène, à 60 km au sud-est de Tizi Ouzou. Le village natal de l'artiste s'est avéré, d'ailleurs, trop exigu pour contenir cette marée humaine qui a déferlé à travers les artères étroites de cette bourgade. A 10h, la place du village était déjà noire de monde. Des grappes de gens ont commencé à affluer dès le début de la matinée. Les comités des villages de Boumessaoud, Kerouche, Aït Ouatas et Tizi Guefres se sont structurés en coordination pour assurer le bon déroulement des funérailles de Dda Cherif, dont le cercueil était exposé au siège de l'association qui porte son nom. Des portraits de l'artiste ont été placardés à travers le village. «Laissez le passage à ceux qui n'ont pas encore vu la dépouille de Dda Cherif», lançait, à l'aide d'un mégaphone, un organisateur. Puis c'est l'arrivée des artistes : Hacène Abassi, Akli Yahiatène, Lounès Kheloui, Belkhir Mohand Akli font leur apparition dans la foule vers 11h. Ils sont accueillis par des applaudissements. Quelques minutes plus tard, c'est Nna Aldjia, la mère de Matoub Lounès, qui foule le sol de Boumessaoud ; elle est accompagnée des membres de la fondation qui porte le nom de son fils. Plusieurs autres personnalités connues dans le monde artistique ont également assisté aux obsèques de Cherif Kheddam, à l'image de Abderahmane Bouguermouh (réalisateur du premier film en kabyle, La Colline oubliée), Si El Hachemi Assad (commissaire du Festival du film amazigh), Mohamed Belhanafi (ami et collègue du défunt à la Chaîne II), Abdenour Abdeslam (militant de la cause amazighe), Ouazib Mohamed Ameziane et Farid Ferragui. A midi arrive de la délégation officielle. Elle est composée de Sidi Saïd, secrétaire général de l'UGTA, Abdelkader Bouazghi, wali de Tizi Ouzou, Mahfoudh Belabes, président de l'APW et de Ould Ali El Hadi, directeur de la culture. Dans la foule compacte, on remarque la présence de militants du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie, de députés RCD et FLN ainsi que de plusieurs élus locaux de différentes formations politiques. Il est très difficile de se frayer un chemin dans cette marée humaine qui afflue sans discontinuer vers le lieu où est exposée la dépouille du célèbre auteur-compositeur. «Aujourd'hui, c'est un hommage à la hauteur de l'artiste. Cette foule prouve, encore une fois, que Dda Cherif est un symbole dont l'œuvre restera pour l'éternité. C'est un homme au parcours indéniable. Il mérite amplement cet hommage. Il a réussi à sortir cette région de l'anonymat», commentent des anonymes présents à l'enterrement, venus des quatre coins de la Kabylie et même d'ailleurs. «On est venu de Béjaïa pour assister à cet enterrement car c'est un devoir d'accompagner cet artiste à sa dernière demeure. Même s'il est décédé, son nom restera dans nos cœurs puisqu'il nous a légué un patrimoine riche à préserver», ajoute un citoyen d'Akbou. «Je suis vraiment ému de voir tout ce monde venu pour honorer la mémoire de celui qui était un grand maître, un homme, un connaisseur et un exemple pour des chanteurs connus. Il était une école. Je l'ai connu à Paris. Il était modeste et sympathique», témoigne Moh Ouali Hakem de Tizi Tamlelet, un chanteur, septuagénaire, venu d'Iflissen, dans la région de Tigzirt. «Quand il animait l'émission «Ifenanene Uzekka» (les artistes de demain), Cherif aimait beaucoup les artistes prometteurs. Il aimait écouter Ferhat Imazighen Imoula avant même qu'il ne se lance dans la production artistique. Il était impressionné par son talent», nous dira le cousin de Ferhat Imazighen Imoula, un sexagénaire venu de Meraghna, un village limitrophe de Bouessaoud. 13h, le cercueil est acheminé, sous des applaudissements et youyous, vers le cimetière familial. Des jeunes veulent immortaliser ce moment d'histoire, en essayant de prendre des photos à l'aide de leur téléphone. Des moments pleins d'émotion surtout lors que le fils du défunt, Salah, dira : «Mon père est l'enfant de ce beau monde qui l'aime. Il a servi la chanson et l'art en général.» Cherif Kheddam a été inhumé aux côtés des siens, comme il l'a toujours souhaité. Il a été enterré en face des majestueux monts du Djurdjura.