Ils sont venus, ils étaient tous là ! Des artistes de tous bords, des politiques mais aussi des admirateurs de toutes les régions d'Algérie et surtout de toutes les générations depuis celle de la première émigration des années 40 à laquelle s'identifiait parfaitement le regretté Chérif Kheddam mais aussi des jeunes d'aujourd'hui qui ont pris le relais des anciens et qui tenaient en l'artiste un véritable repère et un modèle de perfection et de sagesse. Il y avait bien évidemment des milliers de citoyens anonymes qui, en passant par AIt-El-Hammam, Iferhounène ou Imsouhal, ont emprunté les chemins sinueux qui mènent vers Bou-Messaoud, le village natal du défunt et rendre un vibrant hommage au grand “Maestro” qui aura réussi hier sa dernière symphonie, non pas celle des héros mais plutôt celle des gens humbles et des hommes libres qui ont tant donné pour leur pays et leur culture. Habitué à la grande foule et au public des grands jours, celui qu'on appelait familièrement, respectueusement et fièrement “Dda Chérif” avait choisi une belle journée ensoleillée en ce mois de janvier pas comme les autres, pour installer un décor de rêve face à son majestueux Djurdjura joliment habillé de blanc maculé et de soie pure pour réussir sa dernière partition. Solennellement habillé en la circonstance de cet emblème national qui lui était cher, Chérif Kheddam a eu bien du mal à se frayer un bout de chemin au milieu d'une véritable marée humaine. Il est vrai qu'ils étaient des milliers de bras à soulever le cercueil qui fut exposé depuis la veille et durant toute la matinée d'hier dans le grand local appartenant à l'association culturelle Chérif-Kheddam du village de Bou-Messaoud qui porte fièrement le nom de l'artiste depuis quelques années déjà. Une véritable procession humaine s'était formée depuis les premières heures de la matinée et grâce à une organisation impeccablement réussie par les jeunes bénévoles de la région, des milliers de citoyens et d'admirateurs ont pu s'incliner une dernière fois devant la haute sature de ce grand monument de la chanson kabyle et de la culture algérienne. Et ce fut bien sous les acclamations et les applaudissements de la foule et les youyous répétés des femmes du terroir que le “Cheikh” a traversé une dernière fois la place du village. “Imazighen ! Imazighen !” aura alors scandé frénétiquement la foule comme elle l'avait fait maintes fois du temps où l'artiste l'avait fait tant vibrer à la Coupole d'Alger ou à l'Olympia de Paris. Signe des temps nouveaux, des centaines de caméras et de téléphones portables ont été actionnés à distance pour immortaliser cette page d'histoire que “Dda Chérif” venait de signer de sa sagesse et de sa forte personnalité. Comme dans un véritable music-hall des milliers d'admirateurs se mirent à applaudir à tout rompre pour s'incliner à la mémoire du chantre de la chanson kabyle. Et si de grands monstres de la chanson kabyle comme Slimane Azem et Cheikh El-Hasnaoui ont été contraints à l'exil même après la mort, le brave Chérif Kheddam a eu la chance de reposer parmi les siens, majestueusement adossé à son Djurdjura natal qu'il a su peindre et chanter avec un art incomparable. Son dernier tomber de rideau fut tout simplement exceptionnel ! Adieu l'artiste ! M H