Le dernier carré, qui animera les demi-finales, demain mardi, a fière allure, même si deux grosses pointures, comme la Tunisie tenant du titre continental et le Cameroun, n'ont pas franchi les quarts de finale. Samedi, la CAN 2006 a vécu ses plus forts moments en matière de suspense. Il a fallu recourir à la fatidique série de tirs au but pour connaître les noms des deux derniers qualifiés à rejoindre l'Egypte et le Sénégal dans l'avant-dernier tour avant la grande finale. Le sort a souri au Nigeria et à la Côte d'Ivoire qui ont pris le meilleur sur la Tunisie et le Cameroun à la faveur des tirs au but, après un match nul équitable sur toute la ligne 1 à 1. A Alexandrie, les Tunisiens ont longtemps cru en leurs chances après l'égalisation signée Hagui qui a répondu au but du Nigérian Nsofor. Les camarades de Ali Boumnidjel ont eu deux opportunités de scorer, malheureusement le jeune Gmamdia, qui a remplacé Dos Santos en fin de partie, a joué trop perso dans une action de contre. Au lieu de remettre sur Jaziri, il a tenté le tir à côté. Dans un match très tactique, les coachs Eugvagon et Roger Lemerre ont opté pour la prudence que ni la rentrée tardive de Salim Benachour ni de Kwanwu Kanu n'a fait bouger. Quelques heures plus tard, dans un stade rempli de bambins et de militaires, Camerounais et Ivoiriens n'ont pas fait mieux au plan de la qualité de jeu. L'entraîneur portugais du Cameroun, Arthur Jorge, l'a, lui-même, avoué en conférence de presse après le match : « La rencontre était tactique et donc fermée. Les deux sélections ont évolué avec deux attaquants en misant sur un contre. » L'arme fatale des Lions indomptables, Samuel Eto'o, a été transparent samedi soir sur la pelouse du stade de l'Académie militaire. A vouloir trop en faire, décrochant loin de la pointe de l'attaque, la jeune vedette de Barcelone a été l'ombre d'elle-même se « permettant » le luxe d'envoyer un penalty dans les nuages, après avoir manqué une occasion de but en première mi-temps. Son duel à distance avec le joueur de Chelsea, Didier Drogba, a tourné à sa défaveur, puisque l'Ivoirien a été l'auteur du penalty qui a envoyé la Côte d'Ivoire en demi-finale. L'histoire retiendra de ces deux matches le suspense qui a présidé à la qualification. A Alexandrie, comme au Caire, il a été digne, le suspense, d'un scénario hitchcokien. Surtout au stade militaire du Caire. Tous les joueurs, qui ont terminé le match, ont ensuite appelé à montrer leur adresse dans cet exercice aussi stressant pour le public que déterminant pour les équipes. Les onze joueurs de champ, y compris les keepers, Souleymanou et Tizie, ont réussi leur examen de passage. La seconde série a été très courte. Eto'o a raté son tir et Drogba a expédié la Côte d'Ivoire en demi-finale, le Cameroun hors de la compétition et les supporters des Eléphants dans la joie et l'allégresse d'un succès plus que de prestige. L'entraîneur français de la Côte d'Ivoire, Henri Michel, n'a pas manqué de souligner le caractère important de ce rendez-vous : « Je suis doublement content ce soir. D'abord, parce qu'on est qualifiés aux demi-finales, et ensuite nous avons fait taire les mauvaises langues qui n'ont pas arrêté de jeter notre discrédit sur notre qualification à la Coupe du Monde... au détriment du Cameroun. Depuis des mois, il ne se passe plus un jour sans qu'on nous rabâche cette histoire. Ce soir, les comptes sont soldés. La Côte d'ivoire a prouvé qu'elle ne doit rien à personne. » Son homologue du Cameroun a été très fair-play : « Sur le résultat du match, je n'ai rien à dire. Nous avons eu deux occasions franches de plus que l'adversaire que nous n'avons pas converties en but. Le jeu était ferme de part et d'autre. Les penalties, c'était la loterie des deux côtés. Bravo à la Côte d'Ivoire ». A une question sur son avenir à la tête des Lions indomptables, le Portugais a répondu : « Cette question est prématurée. On verra cela après ». Ce n'est pas l'avis des confrères présents en nombre au Caire. Pour notre voisin de conférence « la fédération prospecte le marché depuis l'élimination de la Coupe du monde. La CAN 2006 était un objectif important dans son calendrier. C'est la seule raison du maintien du Portugais. A présent, il n'a plus d'échéance. Arthur Jorge a fait son temps avec la sélection ». Le Français Henri Michel a « prolongé » son visa avec les Eléphants... sans certitude aucune, en cas de lourde défaite en demi-finale face au Nigeria, mardi à Alexandrie. Dans la ferveur de la qualification, Henri Michel a été interpellé en conférence de presse par un confrère égyptien qui lui a demandé, avec solennité : « Vous ne pensez pas qu'il va falloir à la Côte d'Ivoire rendre à l'Egypte le service que cette dernière lui a rendu dans les éliminatoires de la Coupe du monde ». Le Français a esquissé un sourire en signe de réponse... sur fond d'hilarité générale. Quelques mètres à côté, les supporters camerounais, fous de colère, tempêtaient contre les dirigeants et les joueurs... sauf Eto'o ! D'assourdissants : « Eto'o, Eto'o », sur le modèle de la pub Esso, Essooooo parvenaient à la salle de conférence. Les vainqueurs, eux, n'ont pas arrêté de crier leur joie. Montés dans le bus, les camarades de Drogba chantaient à tue-tête et dansaient sous les regards amusés des gosses égyptiens qui entouraient le bus en quête d'autographes. Lentement, l'enceinte militaire s'est vidée de ses hôtes et fermé ses portes en attendant la dernière représentation qui aura lieu jeudi, match pour la 3e place. Dans la nuit, deux bus ont pris deux directions différentes. Celui du Cameroun était silencieux et celui de la Côte d'Ivoire irradiait de bonheur. Ainsi, s'est achevée l'aventure pour la Tunisie et le Cameroun. Demain, la vie continue.