Pourquoi on veut tirer nos entreprises vers le bas et non vers le haut comme le font certains pays asiatiques », s'est demandé, hier, le PDG du groupe industriel Cevital, Issad Rebrab, pour qui « les délais de réalisation d'un projet sont souvent inférieurs à celui de l'obtention d'une autorisation administrative ». S'exprimant lors d'une conférence-débat au forum d'El Moudjahid sur les projets de son groupe, Issad Rebrab a fait état de problèmes bureaucratiques qui, dit-il, « découragent les plus forts et font abandonner certains opérateurs » à qui il demande, au passage, « de se battre quand on est dans son droit ». Le PDG de Cevital a énuméré quatre projets bloqués, à savoir celui de la trituration des oléagineux, une deuxième raffinerie de sucre, deux centrales électriques et 29 lignes de conditionnement du sucre. Des projets, dit-il, dont les équipements sont prêts, mais en attente des permis de construire. Mais à la question de savoir qui bloque M. Rebrab dans ses projets, la réponse a été évasive : « Je me le demande moi-même. » Et d'ajouter : « J'ai vu le wali de Béjaïa et il m'a dit qu'il faut voir plus haut. » « Je ne sais qui ? », s'est-il exclamé. Voulant investir dans l'agriculture, le PDG de Cevital a fait état d'une demande, sans suite, d'une mise en valeur de 100 000 ha dans la région de Goléa, dans le Sud algérien. « Nous sommes prêts à investir 33% de nos revenus industriels dans l'agriculture », a-t-il indiqué, mais « je suis déçu qu'on donne les terres aux étrangers et non aux Algériens », a-t-il fait savoir. Plaidant pour la création de fonds d'investissements « qui iraient aux projets bancables », dit-il, M. Rebrab a en outre estimé que ces derniers peuvent être gérés par des nationaux ou des étrangers qui ont l'expertise pour étudier la faisabilité et la rentabilité d'un projet, soulignant au passage que seulement 3 à 5% des projets voient le jour. Sur sa lancée, il trouvera même que les fonds de garantie existent formellement, « mais sur le terrain, dit-il, c'est insuffisant car selon les montants qui leur sont alloués, ils ne peuvent accompagner les jeunes investisseurs ». Mais en dépit des obstacles rencontrés, le PDG de Cevital prévoit de porter les exportations de son groupe à 100 millions de dollars en 2006 et de dépasser, selon ses dires, les 750 millions de dollars en 2007. Des projets plein la tête, allant de la raffinerie de condensat à l'usine de PET, ou encore le créneau du méthanol et le GPL, l'énergie solaire, la pétrochimie et la sidérurgie, M. Rebrab dira que tous ces projets ne peuvent être réalisés « si on ne nous autorise pas à réaliser un grand port à Cap Djinet ». Des projets, dit-il, auxquels des opérateurs étrangers vont participer, trouvant que « ce sont les opérateurs nationaux qui peuvent ainsi ramener les investissements étrangers ». Le PDG de Cevital a fait état aussi de projets à l'international, notamment des unités de raffinerie en Angola, au Sénégal et en Libye. Revenant sur le marché du sucre, le PDG de Cevital, pour qui l'agriculture algérienne n'était pas suffisamment développée pour avoir un produit (sucre) compétitif, a cependant précisé que si les prix du marché mondial continuent à grimper suite à la fin des subventions du produit en Europe, « à ce moment-là, l'agriculture algérienne peut être compétitive pour la fabrication du sucre dans le Sud et de la betterave au nord du pays ». M. Rebrab estime qu'en important du sucre roux en le raffinant, « on fait gagner au pays plus de 50 millions de dollars par an ». A propos des unités de l'Enasucre, dont les équipements sont obsolètes et qui emploient de surcroît un sureffectif, selon M. Rebrab, « il faut les vendre et changer leur vocation », a-t-il déclaré. Tout en excluant toute augmentation des prix de l'huile, le PDG de Cevital a, concernant le prix du sucre, considéré : « Nous sommes rentrés dans une phase d'augmentation sur les 3 à 5 années à venir », en raison, explique-t-il, des données internationales du marché. Scandales dans les banques : la faute aux « injonctions » Le PDG de Cevital a estimé qu'il y a une « psychose » des employés des banques publiques, « car pour un escompte d'un chèque, un responsable peut aller en prison ». Etant les seules aptes à accompagner les investisseurs, trouvant les banques étrangères installées en Algérie pas suffisamment capitalisées et en l'absence de banques privées, les banques publiques connaissent, selon M. Rebrab, des « injonctions en accompagnant des projets non bancables ». « Il est temps que ces injonctions cessent », a-t-il martelé, non sans ajouter : « On ne serait pas arrivés aux scandales des banques s'il n'y avait pas ces injonctions. » Cevital dans la Bourse de Londres ? Le PDG de Cevital a révélé, hier, que des banques internationales lui ont proposé l'entrée de son entreprise dans la Bourse de... Londres. « Je leur ai dit qu'il faut convaincre les autorités monétaires algériennes pour leur autorisation », a-t-il indiqué, en estimant qu'une fois Cevital cotée dans la Bourse de Londres, elle fera son entrée dans la Bourse d'Alger, car estime-t-il, « cette dernière sera obligée de s'aligner sur nos valeurs sur la place internationale ».