Il faut accélérer, par des moyens pacifiques, la disparition du régime. Séance de petits aveux, hier, de Mokdad Sifi, ancien chef de gouvernement, aux débats du quotidien Algérie News, à Alger. L'ancien candidat à l'élection présidentielle est venu faire le bilan de cinquante ans d'indépendance, même s'il a reconnu la difficulté de le faire correctement. Bilan ? «Globalement négatif», a-t-il dit. Selon lui, les principaux objectifs de la Déclaration du 1er Novembre 1954 n'ont pas été atteints : «L'Algérie n'est pas devenue une démocratie. Malgré ses ressources, le pays n'a pas pu se développer. L'Algérie stagne dans la mal-gouvernance. Le pays ne dispose ni d'un marché ni d'une infrastructure dignes de ce nom. L'incompétence, la corruption qui se généralise, la gabegie et le populisme gangrènent l'Etat. Les élites intellectuelles sont exclues de tout débat national. L'école publique est déliquescente. Les jeunes, chômeurs, sont exposés à l'extrémisme religieux», a-t-il déclaré. Il a regretté l'absence de stratégie économique : «Ce pays est mal géré par des gens qui ont accaparé illégalement le pouvoir en utilisant la violence et la corruption pour se maintenir au pouvoir (…) Le pouvoir a utilisé tous les moyens pour réprimer la contestation populaire.» Selon lui, le régime actuel ne peut pas échapper au verdict de l'histoire : «La disparition inéluctable.» «Il n'est plus possible de continuer comme ça ! Il faut accélérer, par des moyens pacifiques, la disparition du régime. Le pouvoir doit revenir à la jeunesse algérienne. Le changement est nécessaire», a-t-il dit. M. Sifi a estimé que Abdelaziz Bouteflika n'a pas pu «reconstruire le pays» et «lancer une véritable processus démocratique» en dix ans de règne, en dépit des ressources exceptionnelles du pays et de conditions internationales favorables. Mokdad Sifi a défendu son bilan de chef de gouvernement (1994 et 1995) et a qualifié de «catastrophique» la gestion qui est venue après, celle de Ahmed Ouyahia. Il a avoué avoir refusé des postes de ministre du Commerce et de l'Intérieur proposés par Sid Ahmed Ghozali et Belaïd Abdeslam, alors chefs de gouvernement. «J'ai accepté le poste de chef de gouvernement proposé par Liamine Zeroual pour servir le pays. A l'époque, l'Algérie était en cessation de paiement. Nous avions 8 milliards de dollars de recettes et un service de la dette de 9 milliards de dollars. Le pays était isolé diplomatiquement. Les moyens de sécurité étaient réduits. Presque 500 communes échappaient à l'autorité de l'Etat. J'ai contribué à créer la garde communale. Tout le monde attendait que l'Etat algérien tombe. Il n'est pas tombé», a-t-il dit. D'après lui, l'élection présidentielle de 1995 était propre et honnête. «Je suis fier d'y avoir contribué. Zeroual avait réussi à maintenir le pays debout au moment de grandes épreuves. Il a été victime d'une cabale médiatique. On ne lui a pas pardonné d'avoir appelé à la rupture avec les pratiques du passé. Il a été forcé à démissionner», a-t-il soutenu. M. Sifi a dénoncé la dissolution des entreprises publiques avec la venue de Ahmed Ouyahia au gouvernement. «Le FMI n'a jamais imposé la suppression des entreprises publiques, contrairement à ce qui a été dit», a-t-il avoué. L'orateur faisait référence aux négociations menées avec le FMI pour le rééchelonnement de la dette publique, processus commencé à l'époque de Rédha Malek ; il a appelé à un débat sur «la refondation nationale» pour trouver une solution et a estimé que l'idée d'une Assemblée constituante n'est pas en contradiction avec cette proposition.