Le système ne sait pas comment réformer sans s'exposer au danger», affirme Mohamed Hennad, professeur en sciences politiques à l'université d'Alger. Intervenant lors d'une conférence sur le thème «La problématique des réformes en Algérie», organisée vendredi soir par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), il relève d'emblée les incohérences de la démarche du pouvoir et le manque de transparence qui la caractérise. «Les réformes en Algérie ont commencé depuis l'indépendance, mais depuis cette date nous vivons des échecs à répétition. Aujourd'hui, les réformes annoncées par le Président avancent dans l'obscurité», lance-t-il. Pour Mohamed Hennad les réformes annoncées sont aussi vouées à l'échec à cause de l'incohérence de la démarche adoptée par le pouvoir pour leur réalisation. «Pour le pouvoir, ces réformes s'inscrivent dans la continuité de ce qui a été annoncé en 1999. Mais cette démarche ne peut pas réussir. D'abord parce que les réformes voulues sont dominées par l'aspect sécuritaire et que, ensuite, le pouvoir refuse la participation politique», explique-t-il. Le professeur fait aussi remarquer que le régime a inversé les priorités dans son «processus de réformes» en ajournant la révision de la Constitution. «Les Algériens s'attendaient à deux choses : le changement du gouvernement et l'organisation d'élections législatives anticipées. Cela s'impose. Mais nous n'avons rien vu pour l'instant», indique-t-il. «On ne peut pas commencer les réformes par l'amendement de certains textes législatifs avant la loi fondamentale du pays. C'est illogique !», ajoute-t-il. Outre cette incohérence, Mohamed Hennad note aussi l'absence d'un élément important dans la mise en œuvre de toute réforme : la confiance. «Des réformes esthétiques» Selon lui, la composante de l'instance de consultations sur les réformes politiques a affaibli la crédibilité de la démarche. «L'initiative de réformes n'était pas le fruit d'un débat général. En outre, l'installation à la tête de la commission des consultations de deux hommes ayant un lourd passif politique, Abdelkader Bensalah et le général Mohamed Touati, ne favorise pas l'instauration de la confiance», explique-t-il. Poursuivant, il souligne que jusqu'à présent, on ne sait pas jusqu'à quel point le pouvoir est prêt à aller dans ses réformes. «Le système est incapable de toucher le seuil des réformes imposé par les révolutions dans le monde arabe. Et c'est ce qui explique, son recours à une démarche incohérente pour les réaliser. Ce sont en réalité des réformes esthétiques», indique-t-il. Mohamed Hennad revient en revanche sur l'absence d'une mobilisation populaire importante, malgré l'existence d'une volonté du changement. Dans ce sens, il met en cause les pratiques au sein de la classe politique nationale. Il invite ainsi les partis à renouveler leurs élites et leurs directions. Intervenant par la même occasion, le sociologue Nacer Djabi a présenté une communication sur «L'impasse de la transition politique en Algérie, entre trois générations et deux scénarios». Il explique que le pouvoir décisionnel est toujours entre les mains de personnes faisant partie du système depuis l'indépendance. Pour lui, la «génération des scribes (2e génération)», née à la fin de la guerre et qui est plus «instruite», plus «citadine» que celle d'avant, gère les affaires du pays, mais ne décide pas. La troisième génération est, selon lui, composée de jeunes. En faisant ce découpage, le sociologue met l'accent sur la différence de la nature des rapports entre les trois générations. Et c'est sur la base de ces rapports qu'il met en avant deux scénarios pour le changement en Algérie. Le premier scénario permet, dit-il, une transition dans la douceur. Il s'agit d'une entente entre la première et la deuxième générations. La seconde possibilité de changement risque d'être plus violente, car elle opposera la 1re génération à une génération avec laquelle elle entretient des relations conflictuelles, à savoir la 3e génération.