Des producteurs de dattes de la région des Zibans signalent l'apparition d'un nouveau mal qui affecte les palmiers dattiers depuis quelques mois. Est-on en présence d'un nouvel ennemi menaçant la production de dattes dans la wilaya de Biskra ? Avec un patrimoine de 4,2 millions de palmiers dattiers, celle-ci a produit 2 900 000 tonnes de dattes, dont 65% de Deglet Nour pour la saison 2010-2011. Alors qu'il y a seulement quelques années le pourcentage des écarts de tri, fruits impropres à la consommation humaine, avoisinait les 15% de la production totale de dattes, cette année, il n'est que de 3%, soit 1200 tonnes. Cela reflète les efforts fournis par les acteurs de la filière pour améliorer les rendements et la qualité des fruits. Cette quantité de dattes jetée ou revendue à des producteurs d'aliments du bétail à 20 où 30 DA le kilo risque de décupler du fait de l'affaissement des palmes, s'inquiètent les phœniciculteurs. Le ministère de l'Agriculture et du Développement rural alloue annuellement des millions de dinars pour lutter contre les ennemis «traditionnels» du palmier dattier que sont le boufaroua, le myellois et, à des proportions moindres, les herbes parasites. Un autre ennemi des dattes vient-il de se déclarer ?, s'interrogent nos interlocuteurs. Un redoutable xylophage Alertée, la direction des services agricoles a coordonné, avec les techniciens de l'Institut national de la protection des végétaux, (INPV), de l'Institut technique de développement de l'agriculture saharienne (ITDAS) et du Centre de recherche scientifique et technique sur les régions arides (CRSTRA), des sorties sur le terrain afin de se rendre compte de l'ampleur du phénomène et d'en découvrir les causes. Selon les constatations des brigades pluridisciplinaires qui ont sillonné les palmeraies, le responsable de cette catastrophe serait un ver blanc xylophage appartenant à l'ordre des coléoptères, dont l'adulte géniteur n'a pas encore été dûment identifié. Dotées de puissantes mandibules, les larves de cet insecte ravageur, jamais observé auparavant dans la région, se développeraient dans la couronne extérieure du stipe pour en infecter toute la masse foliaire et provoquer l'inclinaison du cœur, ce qui est fatal au palmier. Les cultivars touchés par le phénomène de l'affaissement des palmes sont les dokkars (pieds mâles) et la fameuse variété Deglet Nour. Des échantillons ont été prélevés et envoyés au laboratoire de l'INPV d'Alger où les entomologistes sont à pied d'œuvre pour déterminer l'ordre et l'espèce de l'insecte dont il est question, son mode de vie, d'alimentation et de reproduction et aussi proposer des moyens biologiques ou chimiques pour l'éradiquer. Kamel Bensalah, chercheur au CRSTRA de Biskra, spécialiste de la biocénose locale, est d'avis que «la situation est catastrophique». Inquiétude Il rejoint en cela les agriculteurs. Il soutient que le parasite, qui provoque l'affaissement des palmes, est un insecte autochtone ayant subi des mutations, dont le palmier dattier n'est pas l'hôte naturel, mais qui aurait trouvé au sommet de celui-ci un biotope idéal pour proliférer. Les modifications climatiques, la sur-irrigation des exploitations agricoles et la disparition des étourneaux favoriseraient le pullulement de ces vers parasites, faisant peser une menace certaine sur les palmeraies des Zibans. Prenant très au sérieux les alertes lancées par les phœniciculteurs, Souleimane Nadji, directeur de l'INPV de Biskra, prône de garder la tête froide. «L'alarmisme n'est pas de mise. Ce phénomène est encore circonscrit à quelques palmeraies. Nous aurons très bientôt les résultats des analyses et nous lancerons une campagne de lutte contre ce nouvel ennemi des dattes», rassure-t-il. Il émet la possibilité que cet insecte se délectant des fibres ligneuses de la base des palmes soit arrivé enfoui dans les tonnes de fumier ramenées du Nord par les agriculteurs. En effet, ceux-ci achètent des quantités importantes de fientes de poulet et de bouse de bovins pour fertiliser les terres. En l'état actuel des connaissances, la méthode de lutte la plus efficace contre la prolifération de ce nouveau ravageur est «la stricte application de mesures prophylactiques», selon lui. «Le nettoyage des palmeraies, ainsi que la désinfection du compost et du fumier sont absolument nécessaires», déclare-t-il. Il déconseille aux producteurs de dattes le recours à l'«automédication», laquelle pourrait avoir des conséquences graves sur la qualité et la quantité de dattes produites. Les conclusions des chercheurs de l'INPV seront bientôt connues. Une enquête bioécologique et cartographique des zones d'infestation déterminera ensuite les modalités et le timing du lancement d'une campagne intégrée de lutte contre ce nouveau fléau des palmiers dattiers.