A deux mois des élections législatives, le paysage politique algérien tente de montrer un visage plus gracieux. Parmi la vingtaine de nouvelles formations qui entrent sur la scène politique, des femmes émergent justement au moment où la sphère politique souffre d'une défiance accrue. Elle enchaîne les réunions, a du mal à répondre aux nombreux appels téléphoniques qu'elle reçoit, mais prend quand même le temps de poster des commentaires sur sa page facebook et de rappeler les gens qui tentent de la contacter, campagne oblige ! «Faire de la politique est un sacerdoce, mais j'y crois, la nation a besoin de nos efforts.» Dans un arabe parfait, elle précise encore : «Nous voulons travailler sur les défaillances de l'Algérie d'aujourd'hui. Corriger les erreurs et optimiser nos acquis. Notre principe est la justice pour tous», explique-t-elle sur un ton calme et mesuré. Elle s'appelle Naïma Salhi. Cette mère de famille de 42 ans est, depuis seulement 5 jours, la 3e femme à présider un parti politique en Algérie (après Louisa Hanoune à la tête du PT et Chalabia Mahdjoubi du MJD). Son parti, le Parti de l'équité et de la proclamation (PEP), autorisé à tenir son congrès constitutif cette semaine, espère ainsi donner un visage plus gracieux à la politique nationale. Il mise sur les Algériennes, comme de potentielles électrices, mais aussi et surtout comme d'éventuelles militantes. «A chaque fois que des femmes me contactent pour me féliciter ou m'encourager, je ne manque pas de les convaincre de rejoindre les rangs du PEP», explique-t-elle. A deux mois des élections législatives, le paysage politique algérien tente de montrer un nouveau visage. Une vingtaine de nouvelles formations entrent en scène au moment où la sphère politique souffre plus que jamais d'une défiance accrue. Féminiser le monde politique algérien pourrait-il réconcilier les Algériens et la politique. Quelle place pour les femmes dans le «nouveau» paysage politique qui se dessine ? Les femmes sur le devant de la scène, un dangereux leurre Voir une femme monter au créneau et présider un parti politique peut susciter un peu d'espoir, d'autant que Naïma Salhi n'est pas la seule à entrer sur ce terrain glissant. Une autre femme s'apprête également à émerger. Assoul Zoubida, 45 ans, ancienne magistrate, veut devenir la 4e femme politique à présider un parti. L'Union pour le changement et le progrès (UCP), sa formation politique, vient tout juste de déposer sa demande d'autorisation de tenir un congrès constitutif. Ce nouveau parti qui, précise-t-elle, comprend autant de femmes que d'hommes veut justement miser sur «les femmes pour mener campagne, diriger et défendre le projet politique du parti». «La parité entre hommes et femmes en politique est un de nos plus précieux objectifs», souligne Me Assoul Zoubida. La loi organique portant élargissement de la représentativité de la femme aux Assemblées élues votées en automne par l'APN sortante a-t-elle «boosté» les esprits ? Ces dernières semaines, la femme algérienne est au cœur du débat politique. Les nouvelles formations autant que les anciens partis draguent les potentielles électrices et défendent, – plus ou moins –, la représentativité des femmes en politique. Dynamique réelle ou embellissement de façade ? De l'avis du politologue Rachid Grim, la femme algérienne ne risque pas de tirer profit de la restructuration actuelle du paysage politique et c'est justement cette loi portant élargissement de la représentativité de la femme aux Assemblées élues qui en est la cause. En somme, elle contient un redoutable piège. L'adoption du système des quotas a fait ses preuves dans plus de près de 80 pays au monde, notamment au Rwanda, –où il est entré en vigueur en 2003 – devenu premier pays au classement mondial en termes de représentativité parlementaire des femmes (56,3%), selon le rapport 2008 de l'Union parlementaire internationale (UPI). Mais il n'est apparemment pas près de propulser la femme politique algérienne. Les redoutables pièges du système des quotas La loi organique, votée par l'APN dans ce sens, contient justement un piège redoutable. Cette loi, dont le projet initial visait à imposer un quota d'au moins un tiers de femmes dans les listes électorales, a fini par retenir des pourcentages différents de femmes sur les listes électorales en fonction du nombre de sièges affectés par wilaya, ce qui en dénature les visées. Elle astreint les partis à avoir un quota de femmes sur leurs listes, mais ne les oblige pas à positionner leurs candidates aux places éligibles, soit en tête de liste. «Les partis politiques, dans leur grande majorité, qui ne disposent que de très peu de militantes, ne présenteront que des candidates alibis qui seront positionnées aux dernières places sur les listes», précise Rachid Grim. La prochaine Assemblée populaire nationale a, dans ce sens, de très fortes chances de ressembler à celle sortante, qui en était à un taux de présence féminine de 7,71%, soit 31 députées sur un total de 389. Un taux qui enregistrera peut-être une légère hausse, mais qui ne saurait atteindre les 150 députées, soit un tiers des 462 sièges que comportera la nouvelle Assemblée. L'exemple rwandais est donc bien loin. «La classe politique algérienne n'est pas prête à aller vers une plus forte présence de la femme», note Assoul Zoubida, chef du futur UCP. Naïma Salhi, présidente du PEP, n'en pense pas moins. Et ce n'est ni le conservatisme de la société ni le manque d'engouement des femmes, qui en sont à l'origine, selon elles. Mais plutôt les hommes politiques, eux-mêmes, «qui en ont une peur bleue». Dr Ilimi Farida, ancienne députée FLN et candidate aux prochaines listes, pense pour sa part que «les mentalités bougent et que la femme algérienne, bien qu'en sous représentation, ne cesse de gagner du terrain, notamment grâce aux femmes qui voteront en masse pour les partis qui présentent le plus de femmes sur leurs listes électorales». Les Algériennes, qui représentent 53% de la population globale, seront-elles plus nombreuses à voter pour lutter contre la misogynie politique ? Le système des quotas, quels que soit ses limites, a tout de même le mérite d'encourager le débat sur le rôle des femmes dans l'avenir du pays. Les femmes ne seront que des candidates alibis et des appâts électoraux. Ou plutôt des fines stratèges politiques qui gagnent du terrain tout en douceur ? Ce qui est sûr, c'est qu'en gardant tout leur mystère, elles se donnent plus de chances à jouer le jeu de la conquête du pouvoir.