La controverse, désormais internationale, provoquée par la publication par plusieurs journaux européens de caricatures qui offensent le nom du Prophète Mohamed n'épargne pas l'Italie. Et comme de coutume, les médias s'en donnent à cœur joie, alors que des politiciens de tout bord font dans le baroque en démontrant un zèle à toute épreuve. La bonne nouvelle, cette fois, c'est que le chef du gouvernement Silvio Berlusconi, qui avait réussi en 1995 l'exploit de se mettre à dos tous les musulmans en déclarant, lors d'un sommet mondial à Berlin, que « la civilisation occidentale était supérieure aux autres », a affirmé, mardi sur les ondes d'une radio romaine, « la civilisation islamique et la civilisation occidentale doivent maintenir une relation réciproque », ajoutant : « Attention à ne pas provoquer un clash de civilisations. » Mais en politicien averti, le président du Conseil italien met en garde : « L'Italie et l'Europe ne doivent pas tomber dans le piège de la provocation. » Les événements qui ont suivi la publication par un journal danois de caricatures portant atteinte à la figure du Prophète Mohamed ont été largement commentés par les médias italiens, dont certains ont vite fait de donner une explication simpliste aux faits. Ainsi, on a vu de nouveau une certaine droite, sollicitée par la presse, distribuer ses bons points aux Occidentaux « valeureux défenseurs du droit à la liberté d'expression » et des mauvais aux musulmans « fanatiques et dangereux pour les valeurs occidentales ». Suivant l'exemple du quotidien populiste français France soir, trois quotidiens italiens avaient publié, plusieurs jours de suite, les desseins critiqués. Le Corriere Della Sera, Libero et la Stampa avaient cru bien faire en proposant à leurs lecteurs les caricatures danoises. Sur les plateaux de télévision, le leitmotiv qui revient dans les débats est celui relatif à la menace que représenteraient les musulmans pour « la liberté et la laïcité européennes ». Un député du parti de la Ligue du Nord, ministre au gouvernement Berlusconi, Roberto Calderoli, ira même jusqu'à lancer à une journaliste d'origine somalienne, qui tentait d'expliquer la position des musulmans qui manifestaient contre les ambassades danoises et norvégiennes : « Retourne dans ton désert, avec tes chameaux. » Avec cette polémique, les musulmans qui vivent en Italie se sont retrouvés, une fois de plus, dans l'œil du cyclone et sous le feu des caméras qui cherchent à dépister le maximum d'extrémistes parmi eux. Les déclarations de l'imam de la mosquée de Milan, Abou Imad qui a expliqué qu'il « y avait une grande colère » parmi ses fidèles, ont été manipulées et perçues comme une menace à peine voilée, lancée contre les Italiens chrétiens. Même les socialistes semblent avoir perdu la tête, puisque le maire de la ville toscane Villafranca in Lunigiana, Lucio Barani, du parti du Nouveau Psi a eu la lumineuse idée de conférer la citoyenneté d'honneur aux directeurs des trois journaux, danois, français et italien (Jyllands-Posten, France Soir, Libero) qui ont publié les dessins, en signe « d'exemple civil de témoignage et de défense du droit à la liberté d'opinion et d'expression, fondement commun de la démocratie, de la civilisation occidentale et européenne ». Le maire a également accordé une attestation de solidarité aux auteurs des caricatures. Dans cette atmosphère où l'exaltation la dispute à la mauvaise foi, les responsables de la mosquée de Rome, la plus grande d'Europe, ont consenti à accueillir les diplomates des ambassades du Danemark et de la Norvège qui ont demandé à être reçus pour discuter des retombées de cette affaire. A l'issue de ce qui a été qualifié d'entretien cordial, le Centre culturel islamique a rendu public un communiqué dans lequel il s'élève contre la publication des caricatures considérées « gravement offensantes et inacceptables ». Les responsables de la mosquée appellent, toutefois, à distinguer entre la responsabilité des journaux qui les ont publiées et le peuple danois dans son ensemble.