Alors que le président Jacques Chirac a appelé au respect et à la mesure, le ministre des Affaires étrangères britannique qualifie les caricatures d'insultantes, tandis que le département d'Etat américain considère que les publications constituent une incitation inacceptable à la haine religieuse. Washington a, officiellement, qualifié hier, les caricatures blasphématoires du Prophète (QSSSL) de blessantes, en indiquant, par le biais du porte-parole du département d'Etat, que les publications constituent une incitation inacceptable à la haine religieuse. “Nous reconnaissons tous et nous respectons complètement la liberté de la presse et de l'expression, mais elle doit s'accompagner de la responsabilité de la presse.” De son côté, le président Jacques Chirac a appelé à un plus grand respect de responsabilité, de respect de la mesure, pour éviter tout ce qui peut blesser les convictions d'autrui. Le chef de l'Etat français a fait cette déclaration à l'issue d'un entretien accordé au recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubekeur. M. Hubert Colin de Verdière, l'ambassadeur de France à Alger, a estimé, jeudi, à Tlemcen que “les caricatures en question, qui sont la reprise de dessins publiés dans la presse danoise et qui paraissent dans plusieurs autres publications européennes, nous semblent choquantes. Nous comprenons qu'elles suscitent la réprobation et l'incompréhension parmi les musulmans, où qu'ils vivent”. Quant au rapport de ce sujet avec la liberté d'expression et de la presse, le diplomate expliquera que “tout autant qu'au principe de la liberté de la presse, nous sommes profondément attachés à l'esprit de tolérance et au respect des croyances et des religions qui sont à la base de notre démocratie. À cet égard, la France condamne tout ce qui blesse les individus dans leurs croyances ou leurs convictions religieuses”. Revenant sur la reproduction par le quotidien français des caricatures, M. de Verdière ne manquera pas de réaffirmer la position française rendue publique mercredi dernier par le ministère des Affaires étrangères en disant : “La reprise des caricatures publiées dans la presse danoise par le quotidien français France-Soir n'engage que la responsabilité du journal qui les a publiées.” Pour rappel, le ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy avait déclaré mercredi que la France ne saurait remettre en cause la liberté de la presse, mais souhaite qu'elle s'exerce dans “un esprit de tolérance”. Dans le même ordre d'idées, le chef de la diplomatie britannique, Jack Straw, s'en est vivement pris hier aux journaux européens qui ont reproduit les caricatures du Prophète Mohamed (QSSSL). “Je pense que la nouvelle publication de ces caricatures n'était pas nécessaire, qu'elle a été indélicate, manquant de respect et que c'est quelque chose de mal”, a déclaré le patron du Foreign Office britannique. “Il y a la liberté de la presse, nous la respectons tous. Mais il n'y a pas obligation d'insulter ou d'être gratuitement incendiaire”, a ajouté le ministre de Tony Blair, qui recevait à l'occasion son homologue soudanais Lam Akol. M. Straw a rendu hommage à la “responsabilité” et à la “délicatesse” des médias britanniques, dont aucun n'a publié les images, à l'exception de très courts passages dans des journaux télévisés de la BBC et de Channel 4 jeudi. Devant la grave tournure prise par les évènements, le Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, ne cache plus son inquiétude. Intervenant sur la chaîne satellitaire arabe Al-Arabiya, le Chef du gouvernement du Danemark a indiqué : “Je peux vous dire que le gouvernement danois est très inquiet de ce qui se passe car nous avons une tradition de coopération pacifique et une relation ouverte avec le monde musulman, et nous souhaiterions que cela se poursuive.” M. Rasmussen ne s'est pas empêché cette fois-ci de faire part avec force de ses regrets en déclarant : “Quant à moi personnellement, je tiens à préciser que je suis profondément peiné par le fait que beaucoup de musulmans ont vu les dessins dans le journal danois comme une diffamation du Prophète Mahomet.” À titre d'exemple, une porte-parole d'Arla Foods, un consortium danois de produits laitiers, a déclaré : “Nos ventes dans les pays arabes sont complètement arrêtées depuis samedi et nous perdons 10 millions de couronnes danoises par jour (soit 1,34 million d'euros).” “Nous allons licencier 125 personnes à partir de vendredi dans une laiterie à Bislev, près d'Alborg”, a-t-elle également indiqué. Par ailleurs, le grand rabbin de France Joseph Sitruk partage, pour sa part, la colère des musulmans face à ces caricatures “déplacées”. “On ne gagne rien à rabaisser les religions, à les humilier”, a-t-il dit. Dans les pays musulmans, des milliers de personnes en colère ont manifesté hier contre les caricatures du Prophète Mohamed (QSSSL) publiées en Europe, dénoncées comme “une agression” contre l'islam par le prédicateur de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem. Cheikh Hussein a appelé les gouvernements arabes et musulmans à “revoir les relations diplomatiques” avec les pays dont les journaux ont reproduit les caricatures controversées. À Gaza, des milliers de fidèles de différentes mosquées, scandant des slogans anti-occidentaux et anti-israéliens, se sont rassemblés après la prière devant le Conseil législatif. En Arabie Saoudite, un religieux, Saleh ben Hamed, a éclaté en sanglots pendant son prêche à la Grande-Mosquée de La Mecque en condamnant la publication des caricatures. En Jordanie, plusieurs milliers de fidèles ont manifesté, mais les prédicateurs ont souligné la nécessité de “ne pas nuire aux religions du Livre”, en réagissant d'une façon inappropriée à la publication des caricatures. “Si la liberté d'expression consiste à pouvoir insulter l'être le plus cher au cœur d'un quart de la population mondiale, alors chacun peut réagir comme il l'entend, et cela va devenir pire”, a estimé dans un sermon à Téhéran l'ancien président iranien, Akbar Hachemi Rafsandjani. Le prêche du vendredi en Algérie consacré au sujet des caricatures Le contenu du sermon de la prière du vendredi a été consacré hier aux caricatures du Prophète Mohamed (QSSSL) dans les mosquées algériennes. Dans le prêche retransmis en direct à la Télévision nationale, l'imam s'en est pris de façon virulente aux auteurs des caricatures et aux journaux européens qui les ont publiées. Citant des exemples dans le Coran, quant à la grandeur du Prophète Mohamed (QSSSL), l'orateur justifiera l'acte répréhensible de la presse européenne par l'ignorance totale de l'Islam et surtout des qualités et des valeurs que véhiculait le Prophète Mohamed (QSSSL). “C'est parce qu'ils ne connaissent pas la grandeur du dernier des prophètes, qu'ils ont agi de la sorte”, a-t-il insisté. L'imam a qualifié les caricatures de “provocatrices, d'insultantes et d'inacceptables” pour l'ensemble des musulmans. Après la ferme condamnation de ces caricatures par le ministère des Affaires étrangères mardi dernier, l'Algérie s'est prononcée pour la deuxième fois sur la question à travers les prêches du vendredi, ce qui ne laisse planer aucun doute sur la réprobation générale suscitée par le sujet dans le pays. Communiqué de presse de l'ambassade de France à Alger La France est un pays de respect et de tolérance attachée à la liberté d'expression. Tout autant qu'au principe de la liberté de la presse, nous sommes profondément attachés à l'esprit de tolérance et au respect des croyances et des religions qui sont à la base de notre démocratie. À cet égard, la France condamne tout ce qui blesse les individus dans leurs croyances ou leurs convictions religieuses. La reprise des caricatures publiées dans la presse danoise par le quotidien français France Soir n'engage que la responsabilité du journal qui les a publiées. Les caricatures en question, qui sont la reprise de dessins publiés dans la presse danoise et qui paraissent dans plusieurs autres publications européennes, nous semblent choquantes. Nous comprenons qu'elles suscitent la réprobation et l'incompréhension parmi les musulmans, où qu'ils vivent. K. ABDELKAMEL