Vendredi dernier, quelques minutes avant la prière du maghreb, le jeune Abdelkader, âgé de 30 ans, à bord d'une mobylette, est renversé à Msamda, sur l'accotement de la route nationale (Maghnia-Beni Boussaïd) par un automobiliste, qui, selon des témoins oculaires, roulait à une vitesse vertigineuse à bord de sa Renault 25. La mort est malheureusement, encore une fois, au rendez-vous. Le lendemain juste après l'enterrement, les villageois, hors d'eux, coupent la route avec des branchages, des pneus et de grosses pierres. « Ce tronçon de la route a à son actif 26 morts, et ce n'est pas toujours la faute au destin. Ce sont l'impunité et la bezra (la corruption) qui sont à l'origine de ces accidents mortels à répétition », clament, hors d'eux des jeunes oisifs. Le plus triste, il y a à peine une année, le père de feu Abdelkader a été, lui aussi, ravi à la vie par un bolide, pratiquement sur les mêmes lieux. « Il y a une semaine, un autre accident a coûté la vie à un homme, deux autres sont toujours hospitalisés, et c'est toujours la faute à ces contrebandiers qui sillonnent inexorablement cette satanée route », s'insurgent avec le même ton, les jeunes. Avant-hier, le président de l'APC s'est rendu sur les lieux, en compagnie du délégué du village en présence des éléments de la Gendarmerie nationale. Le dialogue enclenché entre les citoyens et les élus a abouti, trois heures plus tard, à la sagesse : apaisés, les villageois ont consenti à lever le « barrage » et à permettre la réouverture de la route. Sur place, le maire a promis de mettre des ralentisseurs, quatre en tout. Effectivement hier, vers midi, les services des Ponts et Chaussées s'affairaient à élever des dos d'âne devant un attroupement de jeunes qui veillaient au grain. Un peu plus loin dans un café, l'unique, une quinzaine de jeunes jouaient au billard, même si le cœur n'y était pas. « Les ralentisseurs ne sont pas le meilleur moyen de réduire les accidents, sinon, ils faut en mettre sur toute une distance de 25 km, mais, peut-être que cela dissuadera un peu ces tueurs de la route » opinent, dignes, des jeunes, le visage émacié. Nos interlocuteurs, pacifistes, se mettent à énumérer toutes les commodités qui manquent dans leur village, à commencer par l'éclairage public, la voirie, le bitume, le transport scolaire et le gaz de ville qui passe par leur agglomération « et puis, ces derniers temps, il y a un nouveau phénomène, celui des coupures de courant fréquentes ». Les jeunes, pratiquement tous sans emploi, se disent patriotes mais, ne comprennent pas que l'Etat, malgré tous les discours et les richesses nationales, n'ait pas réussi à sortir leur village de sa torpeur, de son sous-développement. « On a beau crier, interpeller les responsables, il a fallu qu'un jeune homme, encore un autre, soit tué pour qu'on daigne venir nous écouter. » Sur les lieux, les Msamdis ne jurent que par un homme « un émigré qui aide le village, c'est lui qui a pratiquement tout fait pour le village, c'est un simple citoyen qui a du nif. » Mohamed, c'est de lui qu'il s'agit, serait derrière beaucoup de projets sociaux à Msamda peuplé d'à peine 4000 âmes. Msamda, qui reluque Maghnia, ne dispose ni de pharmacie ni de dispensaire au sens propre du mot. « La salle de soins ouvre au gré de l'humeur de son responsable, puisque pour une simple injection, on descend à Maghnia. » Et même le réseau de la téléphonie mobile est très réduit dans cette région connu pour sa bataille célèbre, pendant la guerre de libération. « Nous manquons de beaucoup de choses, comme un terrain de foot, même le cimetière est dans un état piteux... » Avec l'ouverture de l'annexe de l'université sur le même tronçon, les risques seront grands. Faut-il des ralentisseurs pour arrêter la mort ? « Ce qui arrêtera les mascarades, c'est une politique rigoureuse parce que tout le monde sait que cette route est quotidiennement empruntée par les contrebandiers. Il faut arrêter ces criminels et l'apaisement et la sérénité reviendront », suggèrent sentencieusement des jeunes livrés à eux-mêmes...