En dehors du pétrole et du gaz, l'Algérie exporte pour moins d'un milliard de dollars par année, 900 millions l'année écoulée, chiffre récemment confirmé par le ministre du Commerce. De quoi couvrir uniquement une seule facture, celle des médicaments, et cela donne froid dans le dos, car on ne sait ce qui serait arrivé à notre pays si son sous-sol ne recelait pas cet « or noir » dont on ne sait toujours pas s'il est une malédiction ou une bénédiction. Trente ans durant, les Algériens ont été bassinés par les « exportations hors hydrocarbures », en réalité un grand bluff entretenu par la multitude de ministres qui ont occupé, de 1962 à nos jours, les postes de l'Economie et des Finances, relayés par un nombre incalculable de fonctionnaires ou d'experts organiques. Qu'ils aient été forgés à l'économie planifiée, libérale ou à la « voie spécifique algérienne », tous ont participé à secréter un discours mystificateur sur ordre des divers pouvoirs politiques. Pour se pérenniser, ces derniers devaient entretenir l'illusion d'être porteurs d'une « stratégie de développement ». Ainsi, « l'industrie industrialisante » a fait croire, durant plus d'une décennie, que l'Algérie pouvait bâtir un vrai tissu industriel. Mais les énormes complexes budgétaires ont rapidement fini à la casse, tandis que l'agriculture a sombré dans le chaos, mystifiée par un « projet révolutionnaire » sans âme, dépossédée de ressources et de bras. Il a suffi d'une crise pétrolière au milieu de la décennie 1980 pour que l'Algérie entame une descente aux enfers qui l'a conduite à la cessation de paiements justifiant le dépeçage du secteur public et ouvrant la porte à d'étranges « lois du marché ». En un clin d'œil, le pays se transforma en véritable jungle, aubaine pour l'informel et la corruption. L'importation et l'affairisme règnent depuis en maître, engloutissant avec une incroyable voracité la manne pétrolière, fabuleuse aujourd'hui, mais vouée à devenir un désastre, un jour. Des producteurs de richesses en Algérie, en existe-t-il dans le pays ? Certainement. Mais ils n'arrivent pas à augmenter leurs rangs ni grandir suffisamment pour pouvoir vendre, y compris à l'étranger. Un industriel, Issad Rebrab, a estimé, il y a quelque temps, qu'il est en mesure d'exporter, en 2007, l'équivalent en dollars de tout ce que le pays vend, hors hydrocarbures, à l'extérieur, c'est-à-dire les 900 millions de dollars. Il n'y a aucune raison de ne pas le croire. Et des Issad Rebrab, il doit y en avoir des dizaines en Algérie, mais tous, à divers niveaux, sont pris en otage par une incroyable bureaucratie qui tire sa virulence du hiatus existant entre la réalité et le discours politique. L'imagination et la hardiesse économique ne sont pas encore au pouvoir. Le seront-elles un jour ?