Le patron des services de renseignement libyens sous Mouammar El Gueddafi, le colonel Abdallah Al Senoussi, arrêté samedi à Nouakchott ne fera pas de vieux os en Mauritanie. Le président Mohamed Abdelaziz aurait décidé de ne pas attendre les résultats de l'enquête ouverte par son gouvernement sur l'affaire et de se débarrasser au plus vite de l'ancien espion libyen. Réclamé autant par Tripoli que par Paris, le colonel Al Senoussi, qui est également visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), sera en définitive extradé vers la Libye. L'information a été divulguée hier, à partir de Nouakchott même, par le porte-parole du gouvernement libyen, Nasser Al Mannaa. «Nous avons obtenu l'accord de la Mauritanie de livrer Al Senoussi à la Libye où il jouira d'un jugement équitable. Aucune date n'a été définie pour cela, mais ce sera très prochainement», a déclaré M. Al Mannaa, ajoutant : «Nous respectons les procédures judiciaires propres à la Mauritanie, qui prendra le temps de les accomplir. Mais ce sera une simple question de temps.» Visiblement décidé à récupérer coûte que coûte et surtout à n'importe quel prix le beau-frère de l'ancien «guide de la Révolution libyenne» qui est ici présenté comme un «danger pour toute la région», le Conseil national libyen de transition a dépêché tout un aréopage de responsables à Nouakchott pour tenter de convaincre les autorités mauritaniennes de leur céder celui que l'on a longtemps considéré comme étant l'un des principaux piliers du régime. Nasser Al Mannaa faisait partie, en effet, de la délégation libyenne arrivée lundi à Nouakchott, conduite par le vice-Premier ministre Moustapha Bouchagour, qui a rencontré mardi le chef de l'Etat mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz. Al Senoussi, un gros gibier pour le CNT Une source proche du dossier interrogée par la presse a également confirmé que pendant son séjour, la délégation libyenne a reçu l'autorisation de rendre visite à Al Senoussi dans sa prison «pour s'assurer de son identité», mais qu'elle «n'a pas été autorisée à l'interroger». Maintenant, pourquoi Nouakchott a-t-elle décidé de céder à Tripoli et non pas à Paris ou à la CPI ? Il est fort probable que la réponse à la question se trouve dans l'offre faite à la Mauritanie par Mustapha Abdeljalil en échange de Abdallah Al Senoussi. Une offre apparemment sur laquelle Paris – qui rêvait de juger l'ancien bras droit de Mouammar El Gueddafi pour son rôle dans l'attentat contre un avion d'UTA en 1989 – n'a pas pu s'aligner. Une chose paraît certaine : le colonel Al Senoussi a dû coûter très cher aux autorités libyennes qui sont actuellement en quête de crédibilité auprès de la population. Mustapha Abdeljalil, chef du Conseil national de transition (CNT) au pouvoir en Libye, a en effet promis à la Mauritanie des «liens étroits» entre les deux pays – entendre par là l'octroi d'une forte somme d'argent, du pétrole ou quelques autres avantages si Nouakchott autorise l'extradition en Libye d'Al Senoussi. Il apparaît à tout le moins clairement que l'ancien ministre de la Justice, dont le trône n'a cessé de vaciller ces derniers mois, espère sans doute tirer quelques dividendes politiques à travers la capture du bras droit de Mouammar El Gueddafi. «Toute initiative en ce sens constituera, dans l'avenir, un fondement des liens étroits entre les deux peuples frères», avait déclaré M. Abdeljalil dans une brève déclaration à l'agence officielle libyenne Lana, avant l'annonce de l'extradition du colonel Abdallah Al Senoussi. Il n'en fallait certainement pas plus pour convaincre le président Ould Abdelaziz qui, comme tout le monde le sait, a de gros problèmes de trésorerie en ce moment.