Des associations de défense des droits de l'homme se sont déclarées indignées de la vente aux enchères, annoncée pour le 3 avril prochain, d'instruments de torture appartenant au sinistre Fernand Meyssonnier, reconnu responsable de 200 exécutions en Algérie de 1947 à 1958. Guillotine, pilori, baignoire recueillant les têtes décapitées, herse, entraves de bagnard, écrase-mains, cordes de strangulation, vierges de fer, etc., quelque 350 sinistres instruments dédiés aux arts de la torture et châtiments et collectionnés par l'un des derniers bourreaux français, Fernand Meyssonnier (mort en 2008, à 77 ans), seront vendus aux enchères, le 3 avril à Paris. La vente surréaliste fait grincer des dents, suscite déjà indignation, à Paris, mais impose le silence à Alger. Pourtant, Alger connaît fort bien son bourreau pour avoir longtemps pratiqué, de 1948 à 1961. Après une première tentative avortée, en 2005, la maison de vente Cornette de Saint-Cyr remet le sadisme au goût du jour, met aux enchères (sur commande de la famille Meyssonnier), entre deux lots d'art contemporain, la funeste collection de Meyssonnier. «Valeur» estimée de la collection à 200 000 euros. Ancien «exécuteur en chef des arrêts criminels» en Algérie, issu d'une lignée de guillotineurs d'Alger (son parrain Henri Roch et son père Maurice, le furent aussi), Fernand Meyssonnier s'acquittera, avec une indicible délectation, de quelque 200 exécutions, et ce, pour le compte de la République française. La première… à l'âge de 16 ans, en tant que «bénévole», en remplacement de son bourreau de père. Dans Paroles de bourreau, son livre paru en 2002, il raconte, «impressionné», sa première exécution. A Batna, dans le Constantinois, un indigène qui avait assassiné un gardien de prison : «Au milieu d'un Allah Ak..., dans un bruit sourd, la lame tchak... lui coupe la parole. Deux jets de sang pfffiou... giclent à trois ou quatre mètres. Ahhh... j'étais tellement oppressé. Un petit cri comme ça ahhh... quand même ça m'a impressionné (…) D'un coup, il n'a plus de tête, il vit plus.» Un bourreau froid Même au crépuscule de ses jours, le bourreau restera de marbre, froid comme un couperet. Il regrettera même de «ne pas avoir filmé les exécutions en Algérie (in Libération du 30 janvier 2009)». «Tenir une tête qui vous reste entre les mains après la chute de la lame, c'est quelque chose de très impressionnant qu'on ne peut pas vraiment expliquer», écrit-il. Après l'exécution, il dit rentrer chez lui comme le ferait «un entrepreneur après son travail ou un chirurgien qui vient de faire une opération, ni plus ni moins». Pendant la guerre d'indépendance, la «veuve» a fonctionné à plein régime. C'était son «affaire». «Oui, pendant le FLN, c'était à la chaîne. De juin 1956 à août 1958, 141 terroristes tranchés», se vante-t-il. «Et si de Gaulle n'avait pas fait la ‘paix des braves' et gracié 900 condamnés à mort, j'aurais dépassé, à coup sûr, Sanson (le bourreau de Louis XVI, ndlr)». Les «exécuteurs» d'Alger, prétextait-il, «obéissaient aux ordres». 200 exécuctions à son actif Pour chaque exécution, il touchait une «prime de risque», «une prime de tête», plus les «frais de montage» de la guillotine. En 1961, il est à Tahiti, où il coulera des «jours heureux» avec Simone, sa femme, rencontrée sur l'île paradisiaque. A son retour en France, Meyssonnier se lance dans une collection dédiée au «châtiment à travers les siècles». Il présentera, pendant des années, sa «boutique des horreurs» au «Musée historique de la justice et des châtiments» qu'il avait créé à Fontaine-de-Vaucluse, aujourd'hui disparu. Sa famille a confié la dispersion de cette collection à la maison de vente Cornette de Saint-Cyr, qui va s'occuper du «service après-torture».