L'ex-parti unique prend eau de toutes parts. Le choix très contesté des candidats à la députation l'enfonce davantage. Les événements se sont précipités dans la maison FLN et les jours de Abdelaziz Belkhadem sont désormais comptés ; des membres du comité central ont lancé une pétition pour «le destituer». L'ancien ministre de la Communication, Boudjemaâ Haïchour, appelle carrément à la tenue d'un congrès extraordinaire pour «le retrait de confiance à Belkhadem pour son incapacité politique, son manque de charisme et sa soumission docile à contenter les consignes d'une certaine ‘régence' qui ne veut pas dire son nom». De nombreux cadres du parti, jusque-là «fidèles» à Belkhadem, commencent à se désolidariser de lui. Tel Saïd Bouhedja qui dénonce «l'exclusion des cadres compétents au profit des entrepreneurs et hommes d'affaires qui ne servent pas le parti». Et le mouvement de redressement conduit par le vétéran Salah Goudjil compte en tirer profit dans sa «bataille» pour renverser l'actuelle direction du parti. La bataille autour des listes de candidatures révèle une autre guerre, larvée, plus dangereuse encore. Belkhadem est accusé par de nombreux cadres et militants du parti de vouloir «entraîner le FLN vers une dérive islamiste en concoctant des alliances avec les partis islamistes. Son obsession présidentielle le rend aveugle». «Depuis qu'il est à la tête de l'appareil, le parti perd son identité», s'est exprimé un cacique du parti. «La démarche entreprise par le FLN est empreinte de relents passéistes», a mis en garde Haïchour. Ce dernier se demande si l'ex-parti unique, «par la confection de listes, répond à un agenda sous des pressions dont on connaît les résultats dans de nombreux pays arabes, notamment au Maghreb». Salah Goudjil, qui a animé une conférence de presse hier à Alger, a déclaré que «les discussions sont rompues avec l'actuel secrétaire général qui ne cherche qu'à gagner du temps». Pour barrer la route au FLN officiel, son mouvement a parrainé une vingtaine de listes indépendantes. En guerre contre Belkhadem, le chef de file des «redresseurs» se réjouit «des mouvements de contestation partout dans les mouhafadhas. Le temps nous a donné raison. Et si des membres du comité central ont pris l'initiative dans le sens de sauver le parti, le temps est venu pour qu'ils rejoignent notre mouvement», a-t-il appelé. Si Salah Goudjil s'est montré moins offensif, le porte-parole du mouvement des redresseurs, Mohamed Seghir Kara, lui, est plutôt virulent : «Nous devons nous adapter à la nouvelle situation en unissant nos forces avec les membres du comité central pour renverser Belkhadem.» «Nous sommes le vrai FLN et Abdelaziz Belkhadem représente le faux FLN», a-t-il encore ajouté avec colère. Il a dénoncé «la confection des listes dans des chambres noires où la logique de la ch'kara (l'argent sale) était le critère essentiel pour y figurer». Kara promet «un affrontement sans merci contre les listes de Belkhadem pendant la campagne électorale». La tâche serait facile, d'autant que Boudjemaâ Haïchour appelle les militants «à aller voter massivement le 10 mai 2012 contre les listes FLN qui ne répondent pas à leurs convictions politiques, notamment celles qui comportent les noms de ministres et de membres du BP FLN, précisément dans les wilayas de Souk Ahras, Constantine, Sidi Bel Abbès et Tlemcen». L'ancien ministre de la Communication a dénoncé «une certaine opacité, que la magouille s'est faite par une instance en offrant des listes les plus hideuses et sans épaisseur politique, mettant en œuvre les formes archaïques d'une gestion politique annonciatrice d'une débâcle aux conséquences désastreuses». «Y a-t-il un dessein secret caché par ce mode opératoire appliqué par le BP du FLN et son secrétaire général ? Erreur d'appréciation ou calcul politique des uns et des autres pour pointer déjà l'horizon 2014 ?», s'interroge-t-il dans une longue lettre rendue publique hier. Anticipant sur les évènements, Haïchour exprime son «opposition à la candidature de Belkhadem au nom du FLN pour briguer la présidentielle de 2014, parce qu'inapte à diriger une nation de la dimension de l'Algérie». Comparées par Bouteflika au 1er Novembre 1954, les législatives du 10 mai prochain renvoient l'image d'un spectacle affligeant.