Publié au Journal officiel n° 04 du 26 janvier 2012, le décret présidentiel n° 12-23 du 18 janvier 2012 modifie et complète le décret présidentiel n° 10-236 du 7 octobre 2010 portant réglementation des marchés publics. Jamais la réglementation applicable aux commandes publiques n'a fait l'objet de tant de révisions, à intervalles de temps aussi rapprochés. Ce texte, clé de voûte de la passation des contrats des entités administratives ou économiques de l'Etat, a été modifié chaque fois que le contexte économique le justifiait jusqu'à sa version de 2002. Pour rappel, c'est en décembre 2010 que la nouvelle version de la réglementation des marchés publics a été publiée sous le décret présidentiel n° 10-236 du 7 octobre 2010 avec, pour principale philosophie, la garantie de transparence dans les procédures d'approbation des marchés publics et la consolidation des instruments de prévention et de lutte contre la corruption. Un premier recentrage est intervenu sous le décret présidentiel n° 11-98 du 1er mars 2011 pour amender particulièrement les articles 26 et 27 de cette réglementation. La nouvelle rédaction de l'article 26, importante à rappeler, a apporté une certaine flexibilité à l'obligation d'investissement faite aux soumissionnaires étrangers laissant le choix de l'opportunité d'un tel investissement à l'autorité de l'institution nationale de souveraineté de l'Etat, de l'institution nationale autonome ou du ministre concerné. Parallèlement et sous le même décret exécutif, la nouvelle rédaction de l'article 27 qui a trait à la procédure gré à gré, précisait que les marchés de gré à gré simple ne sont pas soumis à cet engagement d'investissement. Avec le récent décret exécutif du 26 janvier 2012, le code des marchés publics a fait l'objet d'un recentrage de plusieurs dispositions clés. Parmi ces dispositions, figurent celles de l'article 2 de la réglementation des marchés publics. La réglementation des marchés publics, sous le décret présidentiel 10-236 du 7 octobre 2010 avait déjà été étendue aux Entreprises publiques économiques (EPE) et Etablissements Publics dotés de l'autonomie financière, lorsque ces entités sont chargées de la réalisation d'une opération financée, totalement ou partiellement, sur concours temporaire ou définitif de l'Etat. Cet aspect de procédure paraît logique dès lorsque des fonds publics sont engagés par entités publiques interposées, dotées de l'autonomie financière, pour garantir l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des fonds publics. Mais, c'est sur une autre disposition que le débat de place a pris forme et qui a le plus prêté à équivoque puisque le même article 2 a étendu aux Entreprises publiques économiques (EPE) et Etablissement publics, l'adoption de cette réglementation dans leur dispositif courant de commande. Une instruction du Chef du gouvernement a différé cette application aux EPE à fin mars 2011, pour que ces entités puissent adapter, dans l'intervalle, leurs procédures de passation de marchés. Cette rédaction dénotait la volonté de moraliser la passation de marchés publics en imposant la moralité publique à des entités régies par le droit commercial privé, mais c'était sans prendre en considération les spécificités liées à l'autonomie financière dont jouissent les entreprises publiques et les enjeux des règles de l'approvisionnement qui dans ces organisations composent le plu souvent avec des principes d'efficacité intimement liées à la rentabilité et à la croissance. Finalement le nouvel article 2 amendé par le décret présidentiel n° 12-23 du 18 janvier 2012 apporte sur ce sujet une nuance par laquelle les EPE et les Etablissements Publics, au-delà des opérations sur concours temporaire ou définitif de l'Etat, doivent pour les autres opérations adapter leurs propres procédures à la réglementation des marchés publics et les faire adopter par leurs organes habilités. Voici une nouvelle composition syntaxique où la nuance est dans le passage de l'obligation faite aux EPE et Etablissements Publics d'adopter la réglementation et de la valider respectivement, par leurs organes sociaux et leurs conseils d'administration à une obligation d'adapter leurs propres procédures à la réglementation des marchés publics et de les faire adopter par leurs organes habilités. Entre adaptation et adoption En première lecture, la différence de terminologie voudrait que l'adoption soit une reprise systématique du dispositif de la réglementation des marchés publics alors que l'adaptation ne devrait être qu'une mise aux normes d'une procédure existante ou à venir inspirée des principes de cette réglementation.Il serait dommage de laisser la pertinence de l'adaptation reléguée à un simple formalisme de reprise pure et simple des dispositions de la réglementation des marchés publics. La pertinence doit également exister dans le système de contrôle interne des EPE et des Etablissements Publics.Selon le secteur d'activité et la taille de l'entité concernée, ce contrôle interne doit être adapté en vue de la recherche du meilleur processus d'approvisionnement en biens et services. Il ne faut pas oublier que ce contrôle interne n'est pas le fait exclusif de personnes, mais qu'il doit être également intégré dans les systèmes d'informations, selon le degré d'automatisation de ces derniers. Le meilleur départ est de doter l'entreprise ou l'établissement d'une procédure écrite, diffusée à tous les intervenants et comprise de tous. La répartition des tâches entre les différents intervenants est également fondamentale en veillant à éviter les cumuls de tâches du processus qui seraient incompatibles par une concentration de tâches sur une même personne ou un même département. Les niveaux de délégation et de prise d'engagement doivent être également définies de manière à combiner l'efficacité et à empêcher les fraudes. Au final, il ne devrait pas y avoir de différence fondamentale dans les procédures propres aux EPE et Etablissement Publics dès lors que ces procédures sont consignées dans des directives claires d'acquisition de biens et de services, assignées à des personnes dûment déléguées avec des séparations de tâches clairement définies pour un acte d'achat équitable et transparent. Le point commun avec les marchés publics est dans le processus opérationnel qui débute de l'identification d'un besoin en approvisionnement pour s'achever avec un paiement en faveur du fournisseur. Au plan théorique, la différence avec le domaine des marchés publics est dans la source du financement et dans le périmètre d'application du processus d'approvisionnement. Dans la pratique, il faut redouter le comportement du gestionnaire de l'EPE qui pourrait être affecté par une interprétation trop administrée de l'acte d'approvisionnement, entre autres d'acte de gestion. Nonobstant la contrainte des délais d'instruction de la commande d'entreprise, l'enjeu est dans l'optimisation de l'activité d'approvisionnement qui conditionne bien d'autres processus opérationnels, tel que ceux des réalisations et des ventes. Le risque est donc que la réglementation des marchés publics soit transplantée, en l'état, sans adaptation aux exigences des spécificités des industries et des métiers des EPE et qu'elle retarde les processus opérationnels. En tout état de cause, il est plus que probable que dans l'intervalle de l'application des deux décrets présidentiels d'octobre 2010 et de janvier 2012, de nombreuses EPE et Etablissements Publics, se sont inspirés, pour leurs procédures d'approvisionnement en biens et services de la réglementation des marchés publics ou l'ont tout simplement adoptée. L'enjeu de l'efficacité de telles procédures réside également dans le contrôle externe des marchés dévolu au Conseil des Participations de l'Etat pour les EPE et au ministre de tutelle, pour les Etablissements Publics. Sur ce sujet, la superposition de contrôles externes n'apporte d'avantages que dans le cas d'une complémentarité. La coordination des contrôles externes (CPE, Commissaires aux comptes, IGF, Cour des comptes) et leur intégration devraient être envisagée pour permettre, en matière de procédures de marchés, qu'entre adaptation et adoption la différence soit dans la performance et non dans un formalisme seulement administratif.