En ma qualité d'enseignant en histoire-géographie et de conservateur en chef diplômé de l'Ecole nationale supérieure des bibliothèques de Paris, j'ai passé mon stage pratique chez ma collègue, Zoulikha Bekadour, première dame directrice de la Bibliothèque universitaire d'Alger, dont j'ai rédigé le Guide du lecteur, puis ai été nommé en 1972 à l'université de Constantine. J'ai collaboré avec l'architecte Oscar Niemeyer à la construction et l'aménagement de la bibliothèque, en même temps que j'ai lancé la formation de son personnel scientifique et technique. Enfin, en 1990, j'ai rejoint Tlemcen pour concevoir la Bibliothèque centrale, un joyau architectural, avec Omar Hamdane, le maître d'œuvre du Palais de la culture. Après avoir aménagé la bibliothèque de la maison de la culture face au Méchouar, j'ai fondé à l'intérieur de cette citadelle, où l'Emir avait séjourné, la Bibliothèque municipale puis le Centre de documentation relevant du Cerist. A l'occasion du colloque de juin 1998, présidé par Driss El-Djazaïri et animé par Cheikh Bouamrane, j'ai préconisé une bibliothèque digne de notre personnage. Elle a été enfin ouverte à Mascara, dans sa forme traditionnelle, avec un fonds documentaire modeste qui ne peut pas étancher la soif de savoir des chercheurs. La même année, à l'occasion d'un colloque des informatistes arabes à Damas et en présence de Badi'â, la petite fille de l'Emir, ma communication portait sur l'utilisation de l'internet pour la mise en place d'une bibliothèque électronique sur l'Emir. Grâce à cette longue expérience et au développement gigantesque des TIC, il nous est permis de concrétiser un projet plus ambitieux. Avant l'avènement de l'internet, le bibliothécaire documentaliste assistait l'étudiant ou le doctorant pour établir manuellement sa bibliographie à l'aide de fichiers catalographiques d'auteurs, titres ou matières (mots-clés) et d'index périodiques des revues scientifiques disponibles ; les acquisitions se faisaient par achat, don ou par échanges internationaux ; enfin, le prêt interbibliothèques par voie postale était conventionné au niveau national et avec l'étranger. Aujourd'hui, cette politique d'échange d'information documentaire au niveau national et mondial est plus efficace par courriel et téléchargement des fonds qui sont en cours de numérisation. Le réseau algérien des bibliothèques et centres de recherche applique le logiciel Syngeb dont j'ai participé à la réalisation par le Cerist, selon la norme ISO, donc compatible avec toutes les bibliothèques dans le monde. La tâche immédiate consiste à localiser et contacter, au niveau national, maghrébin et même africain, celles qui sont susceptibles de détenir une documentation relative à l'Emir afin de créer une base (banque) de données bibliographiques des ouvrages, manuscrits, thèses, archives, icônes, multi-médias, etc. Par la suite, cette documentation, au fur et à mesure de sa numérisation, sera systématiquement téléchargée en application d'une convention entre notre Bibliothèque universelle et toutes les autres, publiques ou privées, convention mutuellement profitable à toutes les parties contractantes. Quant aux ouvrages édités récemment ou encore soumis au droit d'auteur, ils seront signalés systématiquement puis feront l'objet d'un contrat de téléchargement particulier. L'extension de ce réseau à travers le monde prendra forme progressivement à l'aide de trois sites intermédiaires. On peut envisager que Damas, la ville de prédilection de l'Emir, en soit un pour le Moyen-Orient et l'Asie, en collaboration avec la Bibliothèque nationale et le Centre national d'information — Nice — qui détiennent des fonds d'archives très précieux. Pour couvrir le continent américain, on pourrait solliciter l'assistance de la Fondation algéro-américaine pour la culture, l'éducation, la science et la technologie (Faacest), présidée par Farid Amirouche, afin de lancer et faire animer un site intermédiaire à El Kader. Enfin, ultime phase de ce projet, le relais européen sera localisé à Paris que l'Emir a visité maintes fois, sachant que la Bibliothèque de France et d'autres centres d'archives détiennent le plus riche fonds documentaire, site que le directeur du Centre culturel algérien, Yasmina Khadra (Mouleshoul) aura l'honneur d'héberger. En conclusion, ce projet est aisément réalisable : l'appel sera entendu par le recteur de l'université Aboubakr Belkaïd et d'autres décideurs (Cerist, moudjahidine,…) pour prévoir la logistique matérielle nécessaire ainsi que l'encadrement en personnel scientifique et technique adéquat. Cette bibliothèque universelle thématique sera unique en son genre, car élaborée par toutes les nations en hommage éternel à l'œuvre grandiose de l'Emir Abdelkader El Djazaïri : elle sera, pour toutes les générations, une légitime reconnaissance, à travers l'espace et le temps, pour le fondateur de l'Etat algérien moderne et le promoteur du «Droit de l'humanité».