Depuis les années 1980, de nombreuses infrastructures ont sombré dans l'oubli. Il n'y a pas que les salles de cinéma qui ont baissé rideau. Même les autres lieux censés dispenser la culture sont inexistants. La culture est servie par doses homéopathiques, comme s'il s'agissait d'un produit excessivement cher et qu'on ne se permettrait jamais de prodiguer à tout va. Un jeune enseignant se lamente de ce que le secteur culturel ne joue plus son rôle comme autrefois. Et de lancer: «A quand l'ouverture du fameux théâtre auquel l'Etat a accordé de faramineux crédits ?» Il fait référence à l'ancienne salle des fêtes de la ville de Aïn Beïda qui a servi depuis des années à la projection de films et à des représentations théâtrales. Tous les anciens acteurs du 4ème art ont fait vibrer les planches de la scène de la salle des fêtes dont la construction remonte aux années 1930, comme Bachtarzi et Hassan El Hassani, pour ne citer que ceux-là. Depuis les années 1980, elle a sombré dans l'oubli. En 2002, et à la faveur du plan de développement des Hauts-Plateaux, l'édifice, à la stature majestueuse, a reçu des opérations de lifting et a été promu au rang de théâtre régional. Siègerie, tenture, habillage des murs ont redonné vie à la salle. Une troupe théâtrale a été constituée au niveau de la wilaya d'Oum El Bouaghi. Elle a même à son actif plusieurs réalisations. Mais aucune pièce n'a honoré le nouveau théâtre. Toujours dans le cadre du même plan, une vingtaine de bibliothèques municipales ont été édifiées. Les férus de lecture attendent l'ouverture de ces sanctuaires culturels pour se ressourcer et s'enrichir. Aïn M'Lila, la deuxième grande ville de la wilaya se morfond elle aussi, faute de festivités culturelles et artistiques.Interrogé par nos soins, un professeur de lycée ironise: «Mieux vaut organiser un récital sur la pomme de terre.» Et d'ajouter. «Regardez autour de vous, est-ce qu'il y a des gens qui discutent culture ou de tout ce qui y a trait ? La culture n'est même pas l'apanage des riches comme certains le sous-entendent. Il y a désintéressement total envers le livre, le théâtre, le cinéma et même la peinture. Les vernissages ne brillent que lors des fêtes nationales et encore l'engouement pour cette forme d'art est quasi nul. Des peintres, et il y en a des dizaines dans la région, mais qui végètent lamentablement, attendant une éventuelle éclaircie pour s'exprimer et montrer leurs toiles. Les récitals de poésie se font désirer et quand il y en a, c'est généralement du Chiîr El Melhoun.» Un citoyen assure qu'on ne peut sacrifier une forme d'art au profit d'une autre. Un ancien maître d'école à la retraire se plaint: «C'est l'école la première dispensatrice de savoir et de culture; quand celle-ci s'en est éloignée, la culture s'est rétrécie comme peau de chagrin.» La culture, pour cet autre citoyen, est comme le pain quotidien; on en consomme tous les jours, sinon il n' y pas lieu d'en parler.