Le professeur Issad, décédé il y a un an, le 28 avril 2011, aurait certainement apprécié le geste de ses collègues, confrères et amis. Ses pairs, professeurs émérites d'universités algériennes et étrangères, des avocats, magistrats, professionnels du barreau, des juristes de renom ont signé, en l'honneur du célèbre juriste engagé, un recueil d'études juridiques d'une valeur scientifique certaine. «L'exigence et le droit», note l'éditeur (AJED Editions) de cet ouvrage – édité avec le soutien de l'université d'Alger I – était sur le point d'être mis sous presse lorsque la nouvelle de la mort du professeur Issad est tombé telle un couperet. Les initiateurs du projet, Chérif Bennadji (professeur à la faculté de droit d'Alger) et Bencheneb Ali professeur des universités, membre du Credimi (CNRS), ancien recteur d'académie, ancien professeur à l'université d'Alger et les auteurs de cet ouvrage collectif ont voulu «témoigner des différentes facettes de la vie professionnelle de Mohand Issad : universitaire, avocat, arbitre, conseil, mais aussi citoyen». Le professeur Bencheneb espère ainsi que le «dédicataire retrouvera dans les différentes contributions quelques-unes des qualités qui furent les siennes et ce qui fait toujours lien avec lui : une curiosité continue, sinon une gourmandise pour le droit, un droit qui ne se résume pas aux normes, mais qui embrasse le vivant, un droit qui dépasse la froide analyse pour être au service de l'humain». L'ouvrage de 541 pages présente 26 études-témoignages signées par un aréopage d'universitaires et valeurs sûres de la communauté de juristes. L'apport et les contributions du professeur Issad, ses travaux de qualité sur le droit privé, l'arbitrage international ont été mis en valeur par les contributeurs. On retrouvera le témoignage émouvant de Leïla Aslaoui-Hemmadi, ancien magistrat à la Cour suprême et ancien ministre, qui dit : «Merci à mon professeur de droit, à mon maître qui me prodiguait de précieux conseils en sa qualité d'avocat lorsque j'exerçais ma profession de magistrat.» Dans son étude, Chérif Bennadji retracera les minutes de la commission d'enquête – présidée par Mohand Issad – sur les événements de Kabylie en 2001 : 126 tués par les gendarmes de la République et 2000 blessés. Le professeur Bennadji restitue le contexte dans lequel la commission Issad avait évolué, l'hostilité et scepticisme au sein de l'opinion et de la presse, les tentatives d'infiltration et d'orientation des conclusions de l'enquête (y compris par le président Bouteflika). «Parler d'aventure pour qualifier cette délicate mission est un euphémisme», observe M. Bennadji. Traité de «mercenaire», de «desperados», de «traître», le professeur Issad avait opposé à ses nombreux détracteurs son impartialité, sa rigueur, sa maîtrise du sujet et son tact, autant de qualités dont le professeur avait su faire preuve dans l'accomplissement de sa mission. M. Bennadji jette un pavé dans la mare : nous apprenons ainsi que la commission Issad était statutairement «hors la loi». La commission Issad, institué par le président Bouteflika (discours du 30 avril 2001), décision éminemment politique, ne fut jamais, à notre connaissance, traduite dans un texte juridique, contrairement à la commission nationale sur l'assassinat du président Boudiaf instituée par décret législatif (4 juillet 1992). A rebours du scepticisme local, les conclusions de l'enquête ont, d'après M. Bennadji, surpris par leur «audace» les observateurs nationaux et étrangers et par l'esprit d'indépendance y prévalant. La thèse de la «main étrangère» mise en avant par Bouteflika a été démentie et les graves dysfonctionnements des services de sécurité, parasités par des «forces» non identifiées, ont été, par contre, mis en lumière. «Aux termes de la délicate mission qu'il a réalisée, conclut M. Bennadji, le professeur Issad sera reconnu comme un authentique homme politique, ancré dans la jeune et fragile société algérienne dont il est issu et dont il se réclame. Mais un homme politique iconoclaste.» Dans une interview au quotidien Le Matin (19 décembre 2001), Mohand Issad disait son aversion pour les postes et privilèges : «Je n'aspire à rien et surtout pas être ministre ; tout le monde peut être ministre, mais pas professeur agrégé.»