Le conseil de gouvernement a tenu une réunion, hier, sous la présidence d'Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement, à l'issue de laquelle il a rendu public le communiqué suivant : « Le conseil de gouvernement s'est réuni ce jour (hier, ndlr), sous la présidence de M. Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement. Cette séance a été entièrement consacrée à l'examen des projets de textes portant mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, approuvée à une très forte majorité lors du référendum du 29 septembre dernier. Dans ce cadre, et conformément aux engagements énoncés par M. le Président de la République dès le Conseil des ministres tenu le 3 octobre dernier, au lendemain du référendum, le gouvernement a été instruit pour préparer les projets de textes appropriés destinés à la mise en œuvre fidèle de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, projets examinés par cette séance du conseil de gouvernement. Ainsi, en premier lieu, le conseil du gouvernement a examiné et endossé le projet d'ordonnance portant mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, texte articulé en sept chapitres. Le premier chapitre énonce l'objet du texte, à savoir la mise en œuvre de la charte, expression de la volonté souveraine du peuple algérien déterminé à parachever la politique de paix et de réconciliation nationale indispensable à la stabilité et au développement de la nation. Le second chapitre du projet d'ordonnance énonce les dispositions légales requises pour l'application des mesures destinées à la consolidation de la paix, à savoir 1- L'extinction de l'action publique (poursuites judiciaires) à l'encontre des personnes relevant d'une des catégories ci-dessous, impliquées dans des faits liés à la tragédie nationale, à savoir a- celles qui se sont présentées aux autorités entre le 13 janvier 2000 et la promulgation de la présente ordonnance, b- celles qui, non impliquées dans les faits de massacres collectifs, viols ou usage d'explosifs dans des lieux publics, se présenteront aux autorités et leur remettront leurs armes dans un délai de six mois, c- celles qui, recherchées à l'intérieur ou à l'extérieur du territoire national et non impliquées dans les trois faits précités, se présenteront aux autorités dans le même délai, d- les personnes condamnées par défaut ou par contumace qui, non impliquées dans les massacres collectifs, les viols et l'usage des explosifs dans les lieux publics, se présenteront dans le délais de six mois, e- celles qui, impliquées dans les réseaux de soutien, se présenteront aux mêmes autorités et dans le même délai, f- et enfin, les personnes détenues non condamnées définitivement, si elles ne sont pas impliquées dans des faits de massacres collectifs, viols ou usage de l'explosif dans des lieux publics. 2- La grâce pour les personnes détenues et condamnées définitivement pour des faits ne portant pas sur les massacres collectifs, les viols et l'usage des explosifs dans des lieux publics. 3- La commutation de peine et la réduction de peine pour les personnes condamnées définitivement et qui, conformément à la charte, ne peuvent bénéficier des mesures d'extinction de l'action publique ou de la grâce. Le troisième chapitre du projet d'ordonnance énonce les dispositions mettant en œuvre les mesures destinées à consolider la réconciliation nationale, à savoir 1- Des mesures au profit des personnes ayant bénéficié des effets de la loi portant concorde civile et pour lesquelles seront ainsi i- abrogées les mesures de probation et rendues définitives les décisions dont ils ont bénéficié ii- abrogées les mesures de privation de droits pour les personnes qui en sont encore frappées iii- et enfin levées toutes entraves administratives rencontrées par les bénéficiaires de la loi sur la concorde civile. 2. Des mesures de réintégration dans le monde du travail ou, le cas échéant, d'indemnisation, au profit des personnes ayant fait l'objet de mesures administratives de licenciement pour des faits liés à la tragédie nationale, décrétées par l'Etat dans le cadre des missions qui lui sont imparties. 3. Des mesures pour prévenir la répétition de la tragédie nationale et qui, conformément à la charte pour la paix et la réconciliation nationale que le peuple a fait massivement sienne, interdisent l'activité politique sous quelque forme que ce soit : a- pour toute personne responsable de l'instrumentalisation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale b- et pour toute personne qui, ayant participé à des actions terroristes, refuse toujours de reconnaître sa responsabilité dans la conception et la mise en œuvre d'une politique prônant la violence contre la nation et les institutions de l'Etat. Le quatrième chapitre est destiné à consacrer juridiquement les mesures d'appui à la politique de prise en charge du dossier des disparus dans le contexte particulier généré par la tragédie nationale. A ce titre, il est stipulé que : a- la reconnaissance de la qualité de victime de la tragédie nationale ouvre droit à un jugement de décès pour les personnes n'ayant plus donné signe de vie et dont le corps n'a pas été retrouvé après investigations par tous les moyens légaux, b- et que la possession d'un jugement de décès ouvre droit pour les ayants droit à une indemnisation par l'Etat. Le cinquième chapitre porte sur les mesures destinées à renforcer la cohésion nationale. A ce titre, il est stipulé que : a- les membres des familles éprouvées par l'implication d'un de leurs proches dans les faits liés à la tragédie nationale ne sauraient être tenus pour responsables de ces faits ou pénalisés pour eux b- toute discrimination à leur endroit est interdite, une disposition pénale est même établie pour, le cas échéant, sanctionner pareille situation c- enfin, celles de ces familles qui seraient démunies recevront une aide de l'Etat, au titre de la solidarité nationale, sur la base d'une attestation délivrée par les autorités administratives compétentes. Le sixième chapitre énonce les mesures de reconnaissance de la nation envers les artisans de la sauvegarde de la République algérienne démocratique et populaire. A ce titre, il est disposé que : 1- Les concernés ont fait acte de patriotisme. 2- Aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l'encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, pour des actions menées en vue de la protection des personnes et des biens, de la sauvegarde de la nation et de la préservation des institutions. Toute dénonciation ou plainte à l'encontre des concernés est irrecevable. 3)- Et qu'enfin est pénalisé et sanctionné toute déclaration, écrit ou autre acte, utilisant ou instrumentalisant les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions, fragiliser l'Etat ou nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servi, ou pour ternir l'image de l'Algérie sur le plan international. Enfin, le septième chapitre du projet d'ordonnance dispose que, en vertu du mandat qui lui a été conféré par le référendum du 29 septembre dernier et conformément aux pouvoirs qui lui sont dévolus par la Constitution, le Président de la République peut à tout moment prendre toutes autres mesures requises pour la mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Le conseil de gouvernement a également examiné et endossé un projet de décret présidentiel relatif à la déclaration qui sera remplie par les personnes se présentant aux autorités pour bénéficier des mesures de consolidation de la paix, ainsi que les procédures suivies en la matière. Le conseil de gouvernement a aussi examiné et endossé un projet de décret présidentiel relatif à l'indemnisation des victimes de la tragédie nationale. Ce texte codifie la mise en œuvre du droit à indemnisation pour les ayants droit des disparus. Enfin, le conseil de gouvernement a examiné et endossé un projet de décret présidentiel régulant la mise en œuvre de l'aide de l'Etat aux familles démunies éprouvées par l'implication d'un de leurs proches dans le terrorisme. Ce texte est lui aussi destiné à codifier les procédures d'octroi de cette aide publique au titre de la solidarité nationale. Il est à rappeler que ces trois projets de décret découlent du projet d'ordonnance portant mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. »