Un haut lieu saint des chiites : le mausolée des deux derniers imams Ali Al Hadi (827-868) et Hassan Al Askari (845-872), chef d'œuvre architectural islamique vieux de 1200 ans, a été ravagé par une double explosion. Une partie du dôme en or du mausolée a été détruite par la déflagration. Cet attentat a provoqué une vive émotion au sein de la communauté chiite et a plongé l'Irak dans un climat de pré-guerre intercommunautaire. D'ailleurs, quelques heures après ce tragique événement, des commandos ont lancé des raids de représailles contre vingt-sept mosquées sunnites et un siège du parti islamique dans la capitale Baghdad. Ce n'est pas la première fois que des actes de provocation visant alternativement des lieux de culte des deux communautés chiite et sunnite sont perpétrés en Irak. Pour éviter justement tout dérapage, le gouvernement irakien a appelé, hier, la population à la vigilance et à ne pas tomber dans le piège de la guerre civile. De son côté, l'ayatollah Ali Sistani, la plus haute autorité morale et spirituelle chiite, a aussitôt appelé « au calme et à ne pas s'attaquer aux mosquées sunnites », tout en décrétant un deuil d'une semaine pour la communauté chiite. Pour sa part, Ammar Hakim, dirigeant du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), a affirmé que « les terroristes takfiris ont franchi une nouvelle étape avec l'attaque des imams de la lignée du Prophète », appelant ses « frères » à « resserrer les rangs ». Le chef de l'Etat, Jalal Talabani, a joint sa voix également pour appeler « au sang-froid et à l'unité pour mettre en échec les plans ignobles des takfiris » (extrémistes sunnites). Le gouvernement irakien a annoncé un deuil national de trois jours. Le chef du gouvernement qui s'est rendu à Samarra (125 km au nord de Baghdad) a exhorté la population à « empêcher les terroristes de briser l'unité nationale ». Et pour tenter d'apaiser les esprits, le Premier ministre irakien a immédiatement instruit le ministre de l'Intérieur et des Biens religieux lui demandant de prendre des mesures pour reconstruire la partie détruite du mausolée des imams Ali Al Hadi et Hassan Al Askari, dixième et onzième imams vénérés des chiites. Pour les autorités irakiennes, cet attentat est clairement signé : il porte l'empreinte d'Al Qaïda et de l'ancien régime déchu de Saddam Hussein, comme l'a affirmé le conseiller à la Sécurité nationale, Mouaffak Al Roubaï. Sur les lieux de l'attentat, un colonel des forces spéciales du ministère de l'Intérieur a indiqué que « quatre hommes, le chef habillé en treillis de commando et trois autres vêtus de noir et masqués, sont entrés mardi soir dans le mausolée et ont ligoté les cinq policiers de faction ». « Ils ont placé durant la nuit deux charges qui ont explosé avant de s'enfuir », a-t-il ajouté. Ce nouvel attentat visant un haut lieu de pèlerinage chiite, qui revêt une symbolique particulière pour cette communauté, risque de mettre le feu aux poudres dans un pays déjà miné par l'instabilité de ses institutions et le climat de violence incontrôlé et incontrôlable. Dans la ville sainte chiite de Najaf, les commerces de la vieille ville ont baissé les rideaux et des « Allahou Akbar » fusaient des minarets du mausolée de l'imam Ali. A Kerbala, autre ville sainte chiite, une foule s'est massée autour du siège du gouvernorat pour demander aux autorités de garantir la sécurité des personnes et des lieux de culte ciblés par les terroristes. A Baghdad, dans le quartier chiite de Sadr City, quelque 10 000 personnes se sont rassemblées près du bureau du chef radical chiite ,Moqtada Sadr, s'en prenant au « wahhabites mécréants » et aux Américains, « accusés de vouloir susciter la sédition ». A Samarra, les habitants, bien que sunnites, sont également descendus par milliers dans la rue pour dénoncer l'attentat.