Il n'y a aucun changement en Algérie. Ahmed Ouyahia, Premier ministre, savait bien de quoi il parlait lors de la campagne électorale pour les législatives. «Non au changement», tranchait-il. La cartographie de la «nouvelle» Assemblée parlementaire confirme que tout le discours du pouvoir depuis le début des révoltes arabes en 2011 était faux. «Nous allons rester la première force politique du pays», promettait Abdelaziz Belkhadem. Connaissait-il les résultats du vote à l'avance ? A-t-on eu recours à l'ancienne technique de distribution de quotas de sièges ? Pourquoi Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem étaient si sûrs de leurs propos avant et lors de la campagne électorale ? Le FLN, traversé par une crise politique profonde, est sorti vainqueur, selon les résultats officiels, avec 220 sièges. Par quel miracle ? Faut-il confectionner des listes sur mesure, susciter «la guerre civile» autour de cela, pour qu'un parti, sans programme et sans vision, gagne les élections. Le FLN a eu 84 sièges complémentaires. Ces cinq dernières années, ce parti s'est-il illustré par des grandes actions politiques sur le terrain pour mériter un tel plébiscite ? Idem pour le RND d'Ahmed Ouyahia qui a eu sept sièges de plus par rapport au dernier scrutin. La politique gouvernementale d'Ahmed Ouyahia, largement contestée, ne serait-ce que sur le terrain social, peut-elle lui valoir cette prouesse ? L'échec peut-il être à ce point fécond ? ! Regroupée en trois partis islamistes, l'Alliance verte paraît, d'après les résultats de Daho Ould Kablia, ministre de l'Intérieur, le principal perdant de ces élections. «Nous sommes toujours à la première année de l'école démocratique. Et nous redoublons à chaque fois», a protesté hier Bouguerra Soltani, leader du MSP, lors d'une conférence de presse. Abdalah Djaballah, qui disait qu'il allait gagner les élections et qu'aucune force ne va barrer la route à son parti Al Adala, doit se contenter de miettes. Il en est de même pour le Front du changement de Abdelmadjid Menasra. S'agit-il réellement d'un échec des néo-islamistes ? Le FFS n'a, d'après les mêmes résultats, pas évolué depuis 1997 en décrochant une vingtaine de sièges à l'APN. Il n'existe aucune raison logique de croire que ce parti d'opposition n'a pas amélioré sa présence dans la scène politique nationale. Or, il apparaît clairement que quelque part au niveau du cercle de décision, on cherche à circonscrire les partis, mis à part le FLN et le RND qui sont des appareils du pouvoir, dans des espaces fermés, contrôlés. Autrement dit, au lieu d'accompagner le mouvement de l'histoire, on tente de résister. «Vote refuge», dit Daho Ould Kablia, indiquant qu'en 1991, les législatives étaient «un vote sanction». Refuge par rapport à quoi ? A la mécanique de la peur mise en branle durant la campagne électorale ? Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem ont tenu des discours curieux sur l'existence «d'un complot» étranger qui viserait l'Algérie. Les Algériens, selon cette vision comique, devaient aller voter pour éviter «l'attaque». «Le président a promis des réformes et un changement dans le pays. Et le peuple l'a écouté», a encore affirmé le ministre de l'Intérieur hier dans une salle occupée à commenter les résultats qu'il venait d'annoncer au lieu de l'écouter justifier ce qui peut l'être. «Partis, associations, syndicats, patronat auront tous à l'avenir l'occasion de parler», a-t-il ajouté. Le ministre n'a pas précisé dans quel cadre puisqu'il est toujours interdit de manifester pacifiquement dans les rues en Algérie, toujours proscrit de s'exprimer librement dans les médias étatiques. Curieusement, Daho Ould Kablia a évoqué «la construction» d'une démocratie «réelle». Avec une Chambre basse du Parlement dominée par le FLN et le RND, ce projet va sûrement avoir de beaux jours devant lui… «La nouvelle Assemblée sera pénétrée du climat nouveau qui va s'instaurer. Un climat de réformes», dit le ministre de l'Intérieur, reprochant à l'APN sortante de n'avoir pas pris des initiatives.