Malgré les engagements du pouvoir sur l'organisation d'un scrutin honnête et transparent, la réalité des résultats et du déroulement du vote laisse penser que les vieilles recettes de la fraude ont été reconduites. La Commission nationale de surveillance des élections législatives (CNSEL) fait part d'une «colère générale en raison de graves dépassements et de conditions défavorables enregistrés partout». Le scrutin législatif du 10 mai n'a pas dérogé à la règle de la fraude. Une constante. Le pouvoir n'a pas tenu ses promesses ; les garanties qu'il avait données pour un vote transparent et démocratique se sont avérées être un leurre. L'ensemble de la classe politique – à l'exception du FLN qui a raflé la majorité des sièges (220) – crie au «scandale» et dénonce un «hold-up électoral».De graves irrégularités ont émaillé le scrutin législatif de jeudi passé. La crédibilité de l'élection est sérieusement entamée. Le tripatouillage devenu, au fil des consultations, un classique, a plané sur le processus électoral. Au moment où le ministre de l'Intérieur se réjouit d'une élection «sereine, qui s'est déroulée en toute transparence», la Commission nationale de surveillance des élections législatives (CNSEL) parle de «colère générale en raison de graves dépassements et des conditions défavorables enregistrées partout». Mohamed Seddiki, président de la CNSEL, a indiqué qu'il était «choqué et surpris» par l'ampleur des dépassements qui ont marqué le scrutin législatif. «Franchement, nous sommes choqués et surpris des rapports qui nous parviennent des représentants de la Commission au niveau des communes et wilayas. Tous les partis sont en colère, à l'exception du FLN et du RND, en raison des conditions très contestables dans lesquelles l'opération de vote s'est déroulée», a-t-il indiqué hier. Il a assuré que sa commission continue de recevoir des rapports «critiques» de ses représentants dans les différentes wilayas. «Nous sommes en phase d'élaboration du rapport final que nous devons rendre public dans cinq ou six jours», a précisé M. Seddiki. Dans un communiqué rendu public vendredi, jour de l'annonce des résultats par le ministre de l'Intérieur, la CNSEL a fait part de «graves irrégularités, de dépassements et de cas de fraude» qui ont entaché le scrutin du 10 mai. «Nous sommes surpris que le ministre de l'Intérieur annonce les premiers résultats des élections vendredi 11 mai à 15h, au moment même où de nombreuses commissions de wilaya à Alger, Oran, Mostaganem, Béjaïa procédaient encore au dépouillement et au comptage de ces résultats pour les consigner dans un procès-verbal», a fait savoir la Commission Seddiki, qui s'interroge sur «la transparence et l'honnêteté des élections alors que de graves irrégularités et violations de la réglementation sont dénombrées». Empêchement des présidents de commission et des représentants de partis d'assister au dépouillement, remise tardive des procès-verbaux de résultats aux partis et généralisation de vote par procuration sont autant de dépassements relevés par la CNSEL. Le représentant du Parti des travailleurs eu sein de CNSEL, Karim Labchri, dénonce «la manipulation des résultats». «Cela nous renvoie à la période stalinienne», dit-il. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP), qui a connu une déroute spectaculaire à l'instar du courant islamiste, trouve «bizarre» les résultats et a relevé aussi des irrégularités d'un autre genre : «Nous trouvons bizarre que les bureaux où ont voté les corps constitués, toutes les voix sont parties pour un seul et unique parti politique. A Bouzaréah par exemple, les 2000 votants répartis sur quatre bureaux ont tous voté pour un seul parti. Aucune voix, même pas par erreur, n'est partie pour un autre parti, alors que l'on sait bien que les membres des corps constitués sont aussi des enfants du peuple qui ont des sensibilités différentes», a fait remarquer le porte-parole du MSP, Kamel Mida. Il a estimé «anormal» également le fait que le ministre de l'Intérieur n'ait pas communiqué les voix remportées par chaque parti, se contentant de donner seulement le nombre de sièges gagnés. M. Mida dit «regretter une occasion ratée pour la démocratie», avant de se demander «si ce ratage est voulu ou non » ! Le Front des forces socialistes dénonce une «sophistication du dispositif mis en œuvre par le pouvoir pour neutraliser, détourner et engranger à son profit le vote des Algériens». La fraude est une des composantes de l'ADN politique du pouvoir ; elle est ancrée dans les mœurs politiques des gouvernements successifs, eux-mêmes issus du détournement de la volonté populaire. Non seulement la fraude s'est illustrée le jour du vote, mais également durant tout le processus électoral. Faut-il rappeler que le chef de l'Etat en personne a appelé, à partir de Sétif, à voter pour son parti alors que la campagne était close ? En somme, de scrutin en scrutin, le festival des «traficotages» demeure le marqueur de la dérive politique du régime.